Son nom évoque le raffinement le plus abouti, pourtant, Giampiero Bodino se destinait à toute autre chose, mais la vie n’est-elle pas jalonnée de surprises, de rencontres et d’imprévus ? Ce poète du bijou, qui crée depuis Milan, exporte аuјоurd’hui son art dans le monde entier!

D’origine turinoise, Giampiero Bodino nourrit très jeune une passion pour l’art antique, ce qui n’a rien d’étonnant pour un Italien épris de ses racines et de l’histoire de son pays. Il s’oriente finalement vers l’architecture, cette discipline majeure qui charpente et ouvre les esprits. Durant ses études, il découvre le design grâce au professeur Giorgetto Giugiaro et comprend vite que son amour des volumes et de la tridimensionnalité va le conduire à mettre la beauté au service d’une forme ou d’une fonction. Il semble avoir trouvé sa voie et intègre Italdesign, où il dessine des voitures. C’est là que Gianni Bulgari le débusque et l’invite à Rome.

L’aventure dure dix ans où, contre toute attente, Giampiero plonge avec curiosité dans le monde de la haute joaillerie qui finit par le captiver corps et âme. Il croise bientôt Franco Cologni, qui le pousse à ouvrir son propre studio de création de bijoux à Milan. Giampiero n’en oublie pas pour autant la peinture et la sculpture qui appartiennent fondamentalement à son univers, même si la joaillerie occupe désormais une place de choix dans son quotidien. Très vite, il est approché par Richemont qui lui propose, en 2000, de travailler en exclusivité pour le groupe. Deux ans plus tard, il en est nommé directeur artistique.

LA VILLA MOZART

Giampiero gravite alors parmi les plus grandes maisons du groupe, livrant même, à partir de 2011, des bijoux à son nom. Richemont, qui a depuis longtemps perçu son potentiel, lui permet même d’ouvrir sa propre maison, en 2013, au cœur de la capitale lombarde. Cette reconnaissance implique un nouveau défi que ce funambule relève avec panache, forgeant un style qui se nourrit de sa passion pour l’architecture et qui sait amalgamer, comme par magie, poésie et audace, légèreté et opulence, tradition et modernité.

Les couleurs se fondent ou se confrontent mais toujours s’harmonisent, associant gemmes et pierres précieuses de toutes les latitudes.

Autre particularité de Giampiero Bodino: l’exclusivité. En effet, le gentilhomme barbu n’a ni boutiques ni points de vente à son nom, mais bien une demeure cossue, de style Art déco, aux façades habillées de lierre. Comme il le confie lui-même, cette Villa Mozart est un peu comme son atelier de haute couture version bijoux, un lieu inspirant où le charme opère au beau milieu du maelström créatif de la capitale italienne de la mode. Jamais Giampiero ne quitte son cahier de croquis qu’il couvre d’esquisses au fil de ses promenades et de ses voyages. Il observe, puis exprime la substantifique moelle de chacune de ses découvertes esthétiques avant de les transposer dans l’univers du bijou. Des motifs ordonnant les tessères antiques aux inflexions joyeuses du baroque, des guirlandes Renaissance aux floraisons naturalistes de l’Art nouveau, chaque composition de Giampiero est singulière, en référence à la richesse d’un patrimoine habilement réinventé.

Au fil des années, les collections s’étoffent de pièces uniques. Clin d’oeil à l’une des soeurs de Napoléon, la flamboyante princesse Borghèse, le collier Paolina met en scène une suite de camées insérés au fil d’un gorgerin, savant tressage de perles Akoya, de billes de rubellite et de gouttelettes de tourmaline fuchsia. Point de jalousie bonapartiste puisqu’un second collier évoque une autre sœur, l’éphémère reine de Naples. Baptisé Carolina, il montre une somptueuse alternance de camées sur des arabesques endiamantées.

Autre personnage mythique: Théodora, l’épouse de l’empereur Justinien – que l’on peut voir resplendir à la basilique de Ravenne -, donne son prénom à un bracelet manchette rappelant la mosaïque. Il est décliné en vert et mauve grâce aux saphirs pourpres et à la chrysoprase, en blanc et gris grâce à la calcédoine blanche, ou encore dans les tons rosés grâce aux opales et aux saphirs roses. Dans le même esprit, un collier écaille de poisson marie joliment la turquoise et l’améthyste polies.

FLORILÈGE BAROQUE

Quant à la collection Barocco, elle met en scène le triomphe éclatant des pierres fines avec deux chefs-d’œuvre: Angelica, un tour de cou serti de 326,21 carats de tourmalines Paraíba africaines, combinant la douceur du bleu givré à celle du vert d’eau, et, dans une explosion de tons chauds, Ghirlanda, un collier frangé de sept poires de rubellites d’exception – totalisant 169,88 carats -, suspendues à une broderie d’améthystes, d’opales de feu et de bérylliums jaunes.

Le collier aux croix, comme un hommage au trésor de San Gennaro, le patron de Naples, a séduit Uma Thurman qui l’a emprunté pour le gala de la mode du Metropolitan Museum of Art en 2018. D’autres bijoux, fruits d’herborisations senties, alignent corolles et inflorescences richement serties, montées pour parer les doigts, les poignets, les cous..

Autre muse et non des moindres : la Méditerranée, qui génère de gracieux hippocampes et de pleines bourriches de coquilles multicolores habillées de pierres fines et de perles. Et un collier – prouesse des ateliers – pareil à une fraise de coraux scintillants de rubis et de saphirs jaunes et orangés, qui retient un ensemble de perles noires de Tahiti.

Giampiero Bodino n’en finit pas d’étonner, tout comme cette devise gravée sur l’anneau qui ne le quitte pas: “Je ne serai sans doute jamais personne, mais personne ne sera jamais comme moi”.