La chanteuse franco-italienne nous expose quelques tableaux inédits de sa vie haute en couleur.

Dans l’entrée de son studio aux allures de chambre d’adolescent avec sa guitare folk Gibson et son mur de photos, on discerne une carte de vœux signée au Bic “Elizabeth et Philip”. Une reine et un prince en toute simplicité à l’adresse d’une ancienne Première dame qui n’a pas tourné le dos à ses autres vies, mannequin et musicienne. Jouxtant la select et hermétique Villa Montmorency, la demeure est en travaux. Tandis que son mari s’affaire au téléphone dans une pièce voisine tapissée de Pléiades dorées, il faut désormais à Carla Bruni remettre elle-même le disjoncteur en route quand les plombs sautent en plein entretien. Elle poursuivra placidement sous le regard d’un dessin de Riss la représentant en une de Charlie Hebdo (mars 2010) en camarguaises et sac à dos avec un époux qui la houspille : “L’ouverture c’est fini : tu peux retourner chez ta mère !” Cela dénote un tangible sens de l’hu- mour, fort utile en son temps pour traverser les tempêtes médiatiques, alors que l’essentiel restait encore à explorer. Plongée dans les souvenirs de ses mille vies qui se mêlent, s’étayent et s’entrecroisent.

CitizenK International : Saviez-vous que vous figurez au côté d’Aya Nakamura dans le top 5 des plus importantes artistes françaises à l’export ?

Carla Bruni : Non. Il ne nous reste donc plus qu’à écrire des chansons ensemble ! Ça m’étonne toujours de travailler autant dans certains pays. Car, à part l’Italie, qui m’en veut d’avoir penché pour un autre pays, beaucoup m’accueillent avec joie, comme l’Allemagne, la Russie, l’Amérique du Sud ou la Corée. Parfois, cela tient à des raisons incongrues. Au Brésil, dans un télénovela, chaque fois que le personnage de la fille avait le cœur brisé, on entendait un peu de ma chanson. Et par chance, cette fille était un vrai cœur d’artichaut ! Quand la série passait chaque soir à l’heure du dîner, mon père, qui vit à São Paulo, recevait une trentaine d’appels : “Hey, on a entendu la chanson de ta fille.”

CitizenK International : À l’étranger, êtes-vous d’abord connue en tant que chanteuse, mannequin ou ancienne Première dame ?

Carla Bruni : Cela dépend. Aux États-Unis, où j’ai rempli des salles de 1 000 à 1 800 personnes avec un public local – “une très bonne jauge”, m’a dit Charles Aznavour enthousiaste lorsque je lui ai parlé de ma tournée –, ce sont des amateurs de chanson française. Mais, au Liban, où je me suis produite au festival de Beiteddine, c’était plutôt des personnes proches de mon mari, il y avait comme un parfum un peu officiel. En vérité, cela m’est égal, je bénis toute personne qui achète un billet pour mon spectacle et qui vient s’asseoir dans une salle pour m’écouter et il est certain que je ne lui demanderai pas sa carte d’identité !

CitizenK International : Vous avez aussi tourné beaucoup de publicités…

Carla Bruni : Oui, là aussi, ça fait voyager les chansons. J’ai tourné des pubs pour des cosmétiques, des voitures… Juste avant de me marier, j’ai même chanté dans un spot pour la marque Lancia. Parfois, ça ressuscite une chanson. C’est ce qui est arrivé à Julien Clerc avec “Femmes je vous aime” : une publicité pour les protections féminines mais tournée par Peter Lindbergh !

CitizenK International : Comme votre père, qui était guitariste, votre image d’artiste est associée à cet instrument, mais vous souvenez-vous comment vous en avez appris les rudiments ?

Carla Bruni : J’ai abordé la musique par le piano et le violon. J’en jouais beaucoup. Le problème, c’est que mon cerveau s’obstinait à refuser le solfège tout comme il avait refusé les maths. Je n’y comprenais rien. Les professeurs me grondaient ou me mettaient des partitions sous le menton pour m’empêcher de voir les touches du piano. Contrairement à ma mère et ma sœur qui jouent magnifiquement du piano mais qui ne jouent qu’avec une partition, je n’ai jamais joué qu’à l’oreille. C’est ainsi que l’on m’a offert une guitare. Pour moi, c’est l’instrument idéal, un instrument simple, d’une grande sensibilité. On peut aussi bien être Frank Zappa que Carla Bruni, très bon ou très nul, même si ce n’est pas forcément le très bon qui sait écrire les chansons.

CitizenK International : Pas de cours, donc ?

Carla Bruni : Si: deux. Je devais être en sixième à l’école italienne. Il nous a été proposé des cours collectifs de guitare. Autant vous dire qu’il y avait une trentaine d’élèves inscrits. Il y eut donc deux cours et, pour une raison mystérieuse, les cours s’arrêtèrent, c’était un mardi. Le lendemain, je me rendis chez ma copine Cecilia qui vivait avenue Bosquet tout près du Lycée italien et qui avait elle aussi pris ces cours. Je prends sa guitare et je joue le morceau qu’on venait d’apprendre : “Oh! Susanna”, morceau que j’avais joué des dizaines et des dizaines de fois toute seule à la maison, pour m’entraîner sans relâche depuis le début de ces cours éphémères. Un traditionnel. La majeur, ré, mi, rien de sorcier, alors je l’ai jouée devant la mère de ma copine. Et là, je l’ai vu estomaquée rameuter toute la famille. Venez voir ! J’ai dû la rejouer une dizaine de fois devant eux. Ils n’en revenaient pas. Moi non plus d’ailleurs. Ça me semblait naturel tant c’était évident. Ensuite, je me suis débrouillée comme j’ai pu avec trois bouts de ficelle, des tablatures. Mais le regard que cette famille-là a porté ce jour-là sur moi ne m’a plus jamais quittée. Ça m’a ouvert une part de confiance qui continue de m’accompagner aujourd’hui.

CitizenK International : Quel était le décor de votre chambre d’adolescente, avenue Bosquet ?

Carla Bruni : Il faut voir le film Bus Palladium (2010) avec Élisa Sednaoui qui semble jouer mon personnage, le décor de ma chambre à Paris y est reconstitué à l’identique. Christopher Thompson s’est inspiré d’un lieu qu’il connaissait très bien. Il y avait une tapisserie ancienne, un lit ancien et des tableaux de maître que je customisais en les punaisant de photos de Joe Strummer ou de Keith Richards. Cela rendait mes parents fous !

CitizenK International : On évoque souvent vos rencontres avec les musiciens rock, mais qu’avez-vous apporté à ces artistes anglais que l’on sait souvent fascinés par les codes de l’aristocratie ou de la grande bourgeoisie ?

Carla Bruni : J’ai eu la chance d’être mannequin dans ces années-là et dans ce groupe de filles- là. Nous avons connu des années privilégiées pour la mode. Il est vrai que le monde de la mode et de la musique étaient étroitement associés dans beau- coup d’événements, défilés, concerts, événements humanitaires. Pour ma part, je ne sais pas ce que j’ai pu apporter à ceux que j’ai rencontrés, il faudrait leur demander ! Il est certain en tout cas que le monde de la couture se mélangeait tranquillement avec le monde de la musique et ce de manière beaucoup plus relax qu’aujourd’hui, tout était beaucoup plus cool, même la notoriété. Il y a une photo assez connue prise lors de l’une de ces soirées humanitaires organisée par Gianni Versace. Cette photo a été publiée des dizaines de fois sur les réseaux sociaux et il s’agit d’un cliché de Naomi Campbell, de Gianni Versace et de moi-même. Or personne ne semble remarquer qu’il y a au second plan Eric Clapton en pleine conversation avec Christy Turlington et Gail Elliott.

CitizenK International : Ce mélange des registres est notable lors d’événements plus sombres comme les spectaculaires obsèques de Gianni Versace à la cathédrale du Duomo de Milan, le 17 juillet 1997. Cela vous a-t-il impressionnée ?

Carla Bruni : J’étais sous le choc de la mort de Gianni, nous étions tous sous le choc et ce furent des obsèques douloureuses et émouvantes. J’ai d’ailleurs retrouvé un cliché étonnant de cette cérémonie. On dirait une photo volée, prise un peu de biais, je suis au premier plan comme si j’étais en mouvement et l’on voit derrière moi Elton John et la princesse Diana tous deux très émus. C’était très peu de temps avant la mort de cette dernière. Mais, en fait, la grande pompe ne m’impressionne pas vraiment. Encore aujourd’hui, seuls les gens gentils, fidèles ou courageux peuvent m’impressionner. Mais j’aime lorsque les obsèques sont vibrantes, vivantes et chaleureuses, pour se consoler de la mort. Je ne tiens pas a être enterrée au Duomo. Quoique…

CitizenK International : À vous entendre, la mode et la tragédie feraient-elles aussi bon ménage ?

Carla Bruni : Un jour à Saint-Barth, je faisais des photos avec Thierry Le Gouès, excellent photographe et ami de longue date, on cherchait des spots pour nos photos en se baladant dans un petit camion avec toute l’équipe. Soudain, on aperçoit une voiture plantée dans le toit d’une maison. Elle avait dû rater le virage et chuter en contrebas. Tout excités par cette trouvaille un peu marrante dans l’esprit glamoureux de David LaChapelle, on m’incite à pénétrer dans l’habitacle. Quand j’ai ouvert la portière, j’ai découvert que l’intérieur était plein de sang jusqu’au pare-brise. On pensait que l’accident était arrivé six mois plus tôt alors que tous les occupants avaient péri le soir précédent. C’est un peu ça aussi le monde de la mode. On passe de l’extase à la sidération en un battement de cils.

CitizenK International : Parmi ce tourbillon de rencontres liées à vos activités de mannequin, regrettez-vous des rendez-vous manqués ?

Carla Bruni : Il m’est arrivé cette chose un peu particulière. On m’avait proposé de faire une série pour le Elle anglais à l’occasion d’un prix automobile important. Je devais poser au côté du pilote de formule 1, Ayrton Senna. La séance était programmée pour le mardi suivant. Mais Senna s’est tué quelques jours avant. Cette impression d’avoir une connexion avec la mort d’Ayrton Senna me laisse encore un goût étrange. Dans un autre registre, j’au- rais beaucoup aimé rencontrer Barbara. Je suis allée à ses obsèques au cimetière de Bagneux avec Leos Carax. J’aurais aussi adoré rencontrer Françoise Sagan et Françoise Giroud. J’ai un petit goût pour les Françoise.

CitizenK International : En revanche, vous avez eu la chance rare d’approcher Lucette Destouches (1912-2019), la veuve de Louis-Ferdinand Céline.

Carla Bruni : Oui, son avocat, maître Gibault, m’avait invitée chez elle car elle faisait un poulet rôti tous les dimanches dans son pavillon de Meudon. Ce jour-là, il y avait deux garçons du groupe 2 Be 3, Abel et Filip. Elle était charmante et je l’ai écoutée depuis l’endroit où j’avais vu les dernières interviews de son mari. On était dans un petit salon et il y avait beaucoup de lumière ; à côté, elle avait encore sa salle de danse. Quand je suis rentrée chez moi, j’ai lu en une nuit D’un château l’autre. Des années plus tard, elle a dit des choses gentilles sur moi dans une grande interview au Figaro.

CitizenK International : Autre grand dépaysement dans votre vie d’après, votre premier voyage officiel en tant que Première dame de France vous a-t-il marquée ?

Carla Bruni : Il s’agissait d’un voyage d’État au Tchad pour visiter les armées et la présence française. Mon mari et moi, on ve- nait de se rencontrer. Vous voyez, sur la photo du repas, comment on se regarde d’amour au milieu de ces mille soldats. C’est là où toute chanteuse se rêve, comme Lily Marlene, de chanter pour les armées. Sinon, pendant “La Marseillaise”, j’ai murmuré mon admiration pour les qualités du chant en canon de l’armée française et on m’a intimé, “Chut !”. Je n’étais pas du tout préparée à ce premier voyage d’État mais ce fut un voyage magnifique qui a débuté au Tchad pour se terminer en Afrique du Sud où j’ai eu la chance d’être présentée à Nelson Mandela par mon mari, un moment tout à fait extraordinaire. Pour le voyage d’État en Angleterre j’ai affiné le tir et j’ai soigneusement choisi mes tenues avec la complicité de John Galliano qui dessinait pour Dior à l’époque. J’ai également potassé le protocole qui était assez précis avec la charmante épouse de l’ambassadeur d’Angleterre. Elle m’indiqua : “La reine n’aime ni le noir, ni le blanc mais vous pouvez vous mettre en noir ou en blanc… La reine apprécie le chapeau et les gants, mais vous pouvez ne pas mettre de chapeau et de gants… Il faut faire la révérence, mais vous pouvez aussi ne pas faire de révérence…” En fait, tout était précis mais souple.

CitizenK International : On a souvent parlé de vos liens privilégiés avec Michelle Obama, mais avez-vous témoigné un intérêt pour d’autres First Ladies ?

Carla Bruni : J’aime beaucoup Claude Pompidou et Bernadette Chirac. J’ai de bons rapports avec Valérie Trierweiler et j’ai à peine croisé madame Mitterand, trop peu pour la rencontrer. À l’époque où mon mari était président de la République, il y avait une vague d’épouses et d’époux de chefs d’État plutôt sympathiques. La fonction avait radicalement rajeuni et cela a donné lieu à des situations cocasses. Comme à Baden Baden par exemple, lors d’un sommet de l’Otan, on avait été reçus par Angela Merkel. Un dîner à part était organisé pour tous les conjoints comme toujours. Il y avait l’épouse du président du Canada et celle du Premier ministre britannique, madame Obama, mais aussi le mari d’Angela Merkel. Ce monsieur Sauer, un éminent physicien et chercheur en chimie quantique, s’est levé pour faire un petit discours et nous dire qu’il ne participait jamais au travail de sa femme car il était scientifique et que sa présence n’était pas vraiment nécessaire. Mais ce jour-là, il nous a confié avoir cédé face aux arguments de ses amis : “As-tu vu les nouvelles Premières dames ? Elles sont jeunes et charmantes, tu devrais vraiment aller à ce dîner…”

CitizenK International : Cette fonction rappelle un peu le rôle pas si évident tenu par le mari de Margaret Thatcher ?

Carla Bruni : Ah, mais il faut savoir que toute sa vie, quelles que soient ses activités, elle lui préparait son petit déjeuner et lui repassait ses chemises. J’aime beaucoup le personnage de Thatcher, malgré sa dureté. Il y a quelques années, mon mari et moi avons regardé ce documentaire extraordinaire, Mais qui a tué Maggie ? Les derniers jours de Margaret Thatcher. Il m’a dit : “Tu vois, dix ans au pouvoir c’est le maximum, après l’être humain s’altère, il ne perçoit plus rien, il s’aveugle et entre dans un cercle vicieux.” Dans le documentaire, on voit à quel moment Thatcher ne se rend plus compte de rien. Elle accepte l’invitation à ce dîner de gala au château de Versailles avec le président Mitterrand puis elle revient à Londres et c’est la mutinerie. Deux ans plus tard, dans l’interview qui anime ce documentaire, elle buggue soudainement et répète comme un disque rayé : “I didn’t realise… I didn’t realise.” En repensant aux siens qui l’on poignardée, elle se met à pleurer d’impuissance mais, là, on sent la puissance de la dame, de celle qui a quand même réussi a sauver l’économie de son pays dans des années si sombres.

CitizenK International : Que pensez-vous de son style ?

Carla Bruni : Un style franchement étonnant, tout ce bleu layette pour la Dame de fer ! C’est un contraste si fort quand on déroule sa vie. Elle n’était pas particulièrement maternelle, mais elle était très féminine avec son mari. Elle fut à mille pour cent l’épouse de cet homme. Elle en était folle toute sa vie et ils ont vécu main dans la main jusqu’au bout.

CitizenK International : Pour votre part, avez-vous aimé cette plongée dans le monde du pouvoir ?

Carla Bruni : J’ai trouvé cela assez brutal mais passionnant. C’est comme lorsque l’on regarde des enfants à l’école maternelle : tout est primitif dans la toute petite enfance, tout est tranché. Car le sommet du pouvoir rend les gens tellement tendus, tellement altérés, c’est comme un incroyable révélateur. Mais cela ne m’a pas donné d’inspiration car j’écris plutôt des choses sentimentales dans mes chansons et rarement des choses sociétales ou politiques.

CitizenK International : On vous a peu vue au cinéma. En revanche, vous avez fait une apparition remarquée dans la série télévisée des Simpson. Êtes-vous satisfaite de ce passage ?

Carla Bruni : J’étais surtout ravie de devenir une Simpson éphémère aux cotés de mon mari pour tout vous dire. L’intrigue est hilarante : Bart ou bien un autre personnage est convaincu que je veux l’épouser, je ne me souviens plus exactement, mais on est alors obligé de le raisonner en lui apprenant que je suis mariée avec le Président ! J’apprécie les caricatures, même si au bout de cinq ans de caricatures quotidiennes , on est content de ne plus en être en tant qu’être humain. J’aime beaucoup certaines unes de Charlie Hebdo. Cabu me dessinait extraordinairement ravissante avec une poitrine énorme. Sur la première couverture où il m’a représentée, je tombais nue d’un sapin de Noël dans les bras de mon mari. J’ai alors envoyé un message à Cabu : “Merci, tu m’as mis les seins que je n’ai jamais eus !” Il a voulu corriger pour les dessins suivants mais je l’ai imploré de ne rien changer. En revanche Les Guignols de l’info (Canal+), qui avaient probablement recyclé une ancienne marionnette de Ségolène Royal, n’ont pas du tout chopé ni ma voix, ni mes manières. Tout comme ils n’ont jamais remarqué que mon mari avait les yeux bleu myosotis !

CitizenK International : Avez-vous eu des personnes qui vous ont conseillé chaque fois que vous avez changé de voie, voire de vie ?

Carla Bruni : Non, pas vraiment, on m’a vaguement dissuadée de me lancer dans la chan- son afin d’échapper à certains soupçons de montage commercial ou de tricherie. Mais les gens se sont vite rendu compte que j’écrivais mes chansons pour de vrai. J’aime les conseils, je suis toujours à la recherche de conseils. Mon mari, lui, est très fort dans ce domaine. J’ai compris pourquoi tant de gens viennent lui en demander. Il dispose d’un mélange d’instinct et de synthèse pragmatique qui est très puissant. Comme il a aussi beaucoup d’expérience, il voit vrai- ment qui est la personne en face de lui, comme s’il avait une espèce de scanner ou d’IRM. Quelques années après, je me rends souvent compte qu’il avait vu juste. Cet énorme flair et cette animalité qu’il laisse vivre et respirer en lui l’aident considérablement à transformer les problèmes en solutions.
Comme si ces nombreuses liaisons que l’on vous prête ne suffisaient pas, il y a aussi ces faux couples que vous avez formés pour la publicité. On songe à Omar Sharif ou David Ginola pour une campagne Morgane.
Je me souviens parfaitement bien de cette séance photo avec la merveilleuse Dominique Isserman ; pour l’anecdote, à peine arrivé sur le plateau, David Ginola m’a gentiment dit qu’avec son épouse, ils avaient décidé d’appeler leur fille Carla… Mais j’ai toujours eu comme une vie parallèle qui n’existe pas. J’ai un avatar qui fait des choses que je n’ai jamais faites. Quand mon mari était président, c’était à son apogée ! J’ai le souvenir d’un appel de l’une de mes amies italiennes : “Alors, l’Argentine, c’était com- ment ?” Elle avait appris mon retour de ce pays aux nouvelles de la Rai, alors que je n’y avais jamais mis les pieds ! Cela n’a pas d’importance, mais signifie que la réalité est compromise lorsque l’on est une personne publique. Les journalistes n’ont plus le temps de vérifier. Si on a besoin de la reconnaissance publique, il faut accepter cet état de fait : peu importe qui l’on est et ce que l’on fait vraiment, petit à petit se met en place une image qui vous échappe.

CitizenK International : Un article ancien du Figaro vous attribue le lancement de la mode du piercing dans les années 90. Êtes-vous fière d’être à l’origine de cette tendance chez les jeunes ?

Carla Bruni : Un piercing ?! Mais où ça ? Je n’aurais jamais eu l’idée de faire un truc pareil bien que j’aie les oreilles percées. C’est comme le tatouage, ce n’est pas pour moi. Je peux vous dire que mes enfants n’ont pas intérêt à se tatouer, ça peut mal tourner pour eux. Ils pourraient bien se trouver tout à fait punis ! Il y a comme cela deux trois choses qui sont interdites.