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LA LANGUE DES CYGNES

Par LÉA POIRÉ — Photos, JORRE JANSSENS Stylisme, LAURENT DOMBROWICZ.

Nommé étoile de l’Opéra de Paris à 23 ans, Hugo Marchand tient du prodige. Et quoique sa taille et son allure en imposent, il ne toise pour autant pas son monde.

Large sourire, boucle d’oreille, yeux rieurs, il rompt avec l’image du danseur snob et enfermé dans sa tour d’ivoire. Cette accessibilité qui le caractérise, le Breton d’origine l’a d’ailleurs transformée en ambition : rendre la danse classique aussi populaire que le hip-hop.

CitizenK Homme : À l’Opéra de Paris, vous êtes à l’affiche dans les rôles de princes de deux ballets iconiques : Giselle et Le Lac des cygnes. Êtes-vous plutôt Albrecht – celui qui séduit la jeune paysanne Giselle en lui cachant son rang social et le fait qu’il soit déjà fiancé – ou Siegfried, qui tombe amoureux d’une femme changée en cygne ?

Hugo Marchand : Albrecht, c’est un sale type, il faut le dire. Mais c’est un personnage qui me plaît parce qu’il n’est ni noir ni blanc, il est gris. C’est un insouciant, un dragueur qui n’est pas totalement convaincu par l’amour et qui évolue vers une rédemption. J’aime l’idée qu’un prince de ballet n’est pas qu’un gentil et qu’il faut réussir à se faire aimer du public, presque par pitié. C’est un vrai challenge, mais ce n’est pas moi. Dans la vie, je suis plus Siegfried : sympathique, sensible, naïf et crédule, un romantique idéaliste qui a le coeur sur la main, avec ce que ça comporte de noirceur, de mélancolie et de spleen.

Vous dites que danser, c’est faire l’expérience d’autres vies. Qu’avez-vous vécu d’exceptionnel sur scène ?

Mourir, déjà. Puis, voir les gens qu’on aime mourir. J’ai la chance que ça ne me soit pas encore arrivé dans la réalité. Mais aussi, tomber éperdument amoureux. On n’aime pas quelqu’un dans la vie comme on l’aime dans les ballets. La vie, c’est plus compliqué (rires). Il y a aussi la violence envers d’autres personnages, qui est une sensation intéressante à expérimenter car on se rend compte qu’elle n’est pas si éloignée de nous. Quand la vie nous malmène, cela peut nous pousser à devenir mauvais, mais la scène, c’est une sorte de thérapie qui apprend à devenir et rester quelqu’un de bien.

Vous ne venez pas d’une famille d’artistes. À 9 ans, pourtant, vous demandez à votre père de vous inscrire à un cours de danse au conservatoire de Nantes et c’est une révélation. Quels traits de votre caractère ont conduit à ce coup de foudre ?

Je suis quelqu’un d’hyperactif. La danse m’a permis de me catalyser et me calmer. Mon excès d’énergie venait sans doute d’un besoin d’exister et de faire en sorte que mon temps sur cette planète compte. J’ai toujours en moi ce besoin de traverser la vie avec densité et intensité. La danse permet ça. Aussi, depuis petit, j’ai une relation forte à la musique. Mes parents en écoutaient à la maison, de la variété française et beaucoup de classique. Pour moi, danser, ce n’est pas simplement bouger son corps mais c’est se mouvoir en relation avec d’autres corps et avec les lignes musicales de l’orchestre qui me donnent énormément de puissance.

*Cet article est issu de notre numéro d’Été 2024. Pour le lire dans son intégralité, vous pouvez vous procurer votre exemplaire en kiosque ou sur le site. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*