Une chaise longue argentée inspirée des talons Prada, un canapé en cuir évoquant les emblématiques Tabi de Maison Margiela, ou encore un fauteuil rappelant un sac Acne Studios : dans les créations digitales d’Elyza Veta, les pièces iconiques des maisons de mode se déconstruisent pour se réincarner en mobilier.
Dès les années 2010, Virgil Abloh chez Off-White et Jonathan Anderson chez Loewe avaient amorcé une dissolution des frontières entre mode et design. Aujourd’hui, les éditoriaux affirmant que le mobilier est le futur de la mode se multiplient. Baignant dans cette culture, la designer et artiste multidisciplinaire Elyza Veta – connue sur les réseaux sociaux sous le nom de @vetaelyza – donne vie à des concepts visuels fusionnant mobilier et pièces de mode emblématiques.
Initiée aux arts visuels dès l’âge de six ans, c’est à New York que cette jeune Ukrainienne développe une passion pour le design de mobilier, qu’elle aborde de façon concrète et expérimentale. Rencontre.
Comment êtes-vous arrivée à ce croisement entre mode et mobilier ?
En développant mes propres projets, j’ai naturellement cherché à définir ma signature. Depuis que j’ai emménagé à New York, la mode a peu à peu influencé mon regard. Un jour, en observant une paire de talons bordeaux signée Miu Miu, j’ai eu un déclic : la silhouette et les détails en cuir seraient parfaits pour une chaise ! C’est là que tout a commencé.
Comment se déroule votre processus créatif ?
Une fois que j’ai une idée, je commence par faire des recherches : je cherche des références dans l’histoire du design, j’étudie les finitions, les matériaux, ce que d’autres ont déjà expérimenté. Cette phase me nourrit pour l’étape suivante — la plus technique et souvent la plus difficile — celle du croquis et du travail sur les proportions. Enfin, je passe à la prévisualisation de l’objet.
Vous créez des objets numériques, mais ils semblent pensés pour exister physiquement. Est-ce le cas ?
Absolument. Au départ, je considérais mes créations comme des sculptures, des œuvres d’art destinées à célébrer la beauté pure. Mais aujourd’hui, je m’intéresse davantage à leur potentiel de fabrication réelle. Je réfléchis dès le début aux matériaux, aux formes, à l’ergonomie… Je veux que mes pièces puissent être produites.
Comment abordez-vous la transposition des pièces de mode dans vos créations ?
Je veux que l’inspiration soit lisible, tout en insufflant à chaque objet ma propre vision et mes émotions. Pour cela, j’analyse la pièce d’origine et j’en extrais les éléments clés, que j’adapte selon ma sensibilité. Il peut s’agir de détails qu’on exagère ou qu’on déplace. Cette démarche est assez intuitive, d’autant que la mode et le design partagent des codes, notamment lorsqu’on parle de cuir ou de coutures, par exemple.
Quelles pièces de mode vous inspirent le plus ?
Les sacs, les chaussures, et les robes aux silhouettes affirmées. Ce sont souvent des objets construits, structurés, ce qui facilite leur réinterprétation. D’ailleurs, d’une certaine manière, un sac à main, c’est presque déjà un petit fauteuil ou un canapé.
Avec qui rêveriez-vous de collaborer ?
J’ai eu un vrai coup de cœur récemment pour Acne Studios. Leur esthétique reflète parfaitement ce que j’essaie de transmettre dans mes créations.
Pensez-vous faire partie d’un mouvement plus large de rapprochement entre mode et design ?
Oui, sans aucun doute. Les liens entre les deux disciplines se resserrent depuis plusieurs années. Je me souviens, en 2019, au tout début de mon parcours, avoir été fascinée par le canapé réalisé par Harry Nuriev pour Balenciaga avec des vêtements recyclés, présenté à Design Miami. Aujourd’hui, les passerelles sont partout : Loewe lance son prix de design, Balenciaga s’expose dans les foires d’art, Fendi, Gucci, Missoni ou Hermès investissent le mobilier. Les frontières sont plus floues que jamais — et mon travail en est le reflet.