Peut-on dissocier art et jeu ? Ce n’est pas le cas pour Adélie Ducasse, qui fusionne esprit ludique et sens artistique dans des créations joyeuses et ultra-modernes, jouant sur le concept de modularité. Des peintures aux objets — canapés, miroirs, et surtout lampes — le processus créatif de cette artiste, forte d’un passé dans la mode, puise sa force dans le changement de support, qu’elle considère comme une source d’inspiration aussi importante que les formes géométriques et les couleurs vives. Ces dernières ont nourri son imaginaire dès l’enfance, passée en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion. Rencontre.
Vous êtes entrée dans le monde du design en tant qu’autodidacte. Comment cela influence-t-il votre approche de la discipline ?
Je pense que cela me rend plus libre, car je ne suis pas soumise aux contraintes que peut imposer le travail en cabinet. J’ai aussi assisté des designers dans le domaine de la mode, ce qui m’a permis de me familiariser avec le processus de conception d’un objet. Voyager m’a également beaucoup aidée à développer mon goût et mon approche.
Quels voyages vous ont le plus marquée ?
La Californie, avec ses maisons des années 60 et les artistes du MoMA que j’aime beaucoup, ainsi que le Danemark, pour son esthétique vintage.
Vous avez passé votre enfance en Nouvelle-Calédonie et à La Réunion. Quel rôle cette période a-t-elle joué dans votre design ?
Le temps passé dans les îles m’a certainement donné un goût prononcé pour les couleurs vives et, plus largement, pour l’art naïf.
En plus de la couleur, vous travaillez beaucoup sur la géométrie. Quelle forme géométrique vous attire particulièrement, et pourquoi ?
Certainement le carré, pour sa régularité qui le rend caméléon, adaptable à de nombreuses situations.
En quoi votre parcours en mathématiques a-t-il influencé vos créations ?
Les mathématiques m’ont donné une certaine méthodologie. Je pars toujours d’une hypothèse basée sur les matériaux ou formes que j’ai à disposition, et je fais plusieurs essais. Au tout début, par exemple, je suis partie d’un carré jaune, d’un rectangle bleu, d’un rond rouge et d’un triangle vert. Je me suis alors demandé : quelle typologie de meubles puis-je créer ? C’est comme cela que j’ai conçu la chaise et les lampes.
Pourquoi cette passion pour la lampe ?
Parce que c’était l’objet qui me séduisait le plus parmi toutes les possibilités offertes par la céramique. Et aussi parce que ce n’était pas forcément dans l’air du temps.
Y a-t-il un artiste qui vous inspire particulièrement ?
J’aime beaucoup Ellsworth Kelly, pour la logique de ses constructions, visible dans ses croquis, ainsi que David Hockney pour ses couleurs. J’admire aussi plusieurs architectes, notamment les maisons des années 60, comme celles de Charles Eames à Santa Monica.
Pourquoi confiez-vous la production de vos pièces à des usines italiennes ?
Je trouve que la rigueur française peut parfois faire perdre un certain “petit plus” à mes créations. La production se fait généralement à Bassano del Grappa, en Vénétie. Le rendu final présente souvent une petite imperfection, due à la main de l’artisan, qui ajoute du charme à l’objet.
Votre art a été décrit par les médias comme ludique. Êtes-vous d’accord ?
Oui. J’ai commencé à dessiner des objets parce que je trouvais la vie adulte un peu ennuyeuse. Je voulais apporter une touche de joie dans le quotidien, avec des pièces volontairement enfantines.
Pensez-vous qu’il faille plus de jeu dans le design ?
Il faut certainement oser davantage. J’ai l’impression qu’on réfléchit trop à la logique du marché. Personnellement, je considère mes objets comme des œuvres d’art.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
J’ai envie de créer des objets plus accessibles à tous. En ce moment, je travaille donc sur des appliques murales.