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Nina Hagen © GABO

Rencontre avec la reine novo-punk Nina Hagen

Par JEAN-EMMANUEL DELUXE

Nina Hagen, reine du novo-punk, à laquelle même Angela Merkel a rendu hommage, fête ses 50 ans de carrière. Son excellent nouvel album Unity résume bien son combat profond, au-delà de ses folies de façade.

CitizenK International : Votre goût pour l’excentricité semble être né dans l’environnement de l’Allemagne de l’Est ?

Nina Hagen : Non ! La réalité est tout autre. L’excentricité est un concept qui m’est étranger. Je suis simplement un être humain avec une conscience politique, humaine et religieuse. À 11 ans, j’ai commencé à fréquenter la troupe du Berlin Ensemble, j’ai découvert le théâtre de cabaret de Bertold Brecht et de Kurt Weill. De 11 à 18 ans, je suis devenue une de leurs élèves. J’étais admirative de ces acteurs et actrices qui chantaient sur des musiques sublimes. Avec une conscience politique constante. Puis le rock’n’roll a débarqué dans ma vie avec les Beatles et les Stones. C’est tout simplement ce qui m’a donné envie de devenir chanteuse. Ce que tu appelles excentricité découle de ma pratique du théâtre de Bertold Brecht qui m’a fait devenir ce que je suis.

CitizenK International : Qu’avez-vous ressenti en passant d’Est en Ouest ?

Nina Hagen : J’étais enfant quand j’ai réalisé que mon grand-père avait été torturé et tué par les nazis. J’ai grandi avec des parents merveilleux qui avaient une conscience politique. Je savais qu’il y avait eu une Seconde Guerre mondiale et un Holocauste. J’ai toujours considéré le monde dans son ensemble et souhaité la paix entre les nations. Bien sûr que je voulais sortir d’Allemagne de l’Est et voir le monde. Et je savais que ça allait être possible.

CitizenK International : Dans votre nouvel album, vous évoquez la situation des femmes dans le monde.

Nina Hagen : Les femmes doivent continuer à se battre pour que leurs enfants puissent avoir à manger. Les hommes et les femmes sont égaux. Jésus-Christ l’a dit lui-même dans la Bible que cela n’avait pas d’importance que tu sois une femme ou un homme. Les milliardaires de la planète devraient payer des taxes afin qu’aucun enfant ne meure de faim.

CitizenK International : On retrouve ce grand “excentrique” de la musique noire-américaine qu’est George Clinton sur votre dernier album.

Nina Hagen : C’est un musicien et un ami merveilleux depuis très longtemps. Je l’ai rencontré à Hollywood au milieu des années 1980 en compagnie des Red Hot Chili Peppers qui sont aussi mes amis. J’adore Mothership Connexion et P.Funk de George Clinton. J’ai toujours aimé écouter de la musique contenant un message politique. Je suis une grande fan de J. J. Cale, de Bob Dylan, de Larry Norman (une star du rock chrétien, ndlr), de George Clinton e t de la marraine du

rock’n’roll, Rosetta Tharpe (chanteuse de gospel à la guitare électrique, ndlr). Quand j’étais adolescente, je suis devenue une grande fan des Beatles, puis de John Lennon. Pour moi, All You Need Is Love est une chanson très politique, de même que Revolution. J’aime lorsque l’on utilise des forces pacifiques pour obtenir une révolution, comme celle qui est advenue en Allemagne de l’Est à partir de 1989.

CitizenK International : Votre chanson “Unity” souhaite la paix, mais ne sommes-nous pas à l’aube de la Troisième Guerre mondiale ?

Nina Hagen : Nous en sommes à la 5 070e guerre mondiale ! Il est de notre devoir d’inviter les églises orthodoxe, russe, ukrainienne mais aussi catholique et protestante, ainsi que toutes les congrégations chrétiennes à s’unir dans un grand cri qui proclamera : “Laissez vos armes à terre, rejoignez-vous dans l’amour et la paix. Dieu est amour et celui qui est en paix reste en lui !’’ C’est possible car je l’ai vu à l’époque en RDA quand le peuple s’est réuni dans les églises. On y voyait même des gens qui n’étaient pas chrétiens. C’est la raison pour laquelle j’ouvre ma bouche. Particulièrement ces dix dernières années pour chanter du Brecht et du gospel.

CitizenK International : Dans le clip de votre single 16 Tons, on voit tout le show biz allemand vous rendre hommage.

Nina Hagen : Je suis devenue une voix importante en faveur de la paix et de l’amour. C’est la raison pour laquelle je suis si heureuse que des gens merveilleux se soient réunis pour cette vidéo. Parce qu’il ne s’agit pas de moi, mais de nous ! C’est-à-dire de l’humanité dans son ensemble. 

CitizenK International : Quand vous débutiez votre carrière, songiez-vous que vous alliez devenir une telle institution en Allemagne ?

Nina Hagen : J’en étais sûre. Mon beau-père Wolf Biermann était un artiste engagé qui fut interdit de jouer en public en RDA. C’est lui qui m’a appris le pouvoir des chansons politiques. Je n’ai jamais eu de doutes pour avancer, que mon travail plaise ou non.

CitizenK International : Quels sont vos projets ?

Nina Hagen : Je suis devenue grand-mère et je suis très heureuse d’avoir un petit-fils, alors je vis au jour le jour. Mais vous verrez bientôt un film incroyable qu’on a réalisé sur moi et préparez-vous à la sortie de disques sur Brecht. Mais n’oubliez jamais que le plus important, c’est le combat pour la paix !