×
Illustration de Quentin Faucompré.

La nouvelle vogue des funérailles écologiques

Par MAROUSSIA DUBREUIL

Crépitant d’inventivité, la vogue des funérailles écologiques sème à tous vents.

Après avoir tenté de préserver la planète sans renoncer à votre allure en portant des espadrilles recyclées, en vous brossant les dents avec un manche en bambou ou en parcourant les Cévennes à dos d’âne, comment rester écolo chic jusqu’au bout ? Alors que les enterrements et les crémations traditionnels dégagent des vapeurs toxiques, ce mini guide du savoir-mourir inspiré des pays anglo-saxons vous aidera à préparer des adieux écologiques. 

SÉPULTURE MINIMALISTE

Le 28 juin 2017, à Londres, la comtesse Mountbatten de Birmanie quittait notre bas monde dans une malle en osier couverte de feuillage. Comme elle, privilégiez les gammes de cercueils écoresponsables, en bois non traité, c’est-à-dire sans vernis, sans colle et sans clou, ou bien en carton alvéolaire, en farine de maïs ou en bambou tressé. À cela s’ajoute le choix capital du capiton : se recommandent à votre attention les fibres naturelles de lin ou les copeaux de bois qui sauront accueillir confortablement votre dépouille vêtue d’un simple drap indémodable. Enfin, préférez l’inhumation en pleine terre au béton d’un caveau, par exemple au cœur de la pelouse biologique du cimetière de Saint Augutre, en Dordogne. Le nec plus ultra des nécropoles vertes reste tout de même le parc national de Joshua Tree en Californie qui a donné son nom au cinquième album du groupe U2.

URNE ÉTHIQUE

Restez solide comme un chêne grâce à l’urne à gland de la marque anglaise Ecopod qui ressemble comme deux gouttes d’eau à l’akène dont elle porte le nom. Finie à la main, cette urne biodégradable en kraft est dotée d’une tige fabriquée à partir d’une torsion de papier de soie. Huit coloris s’offrent à vous : les premiers conçus à partir de pâte de mûrier se déclinent en vert mousse, vert foncé, pierre, roux, violet, jaune, turquoise et enfin, le plus prestigieux, la feuille d’or hollandaise. Dans le même esprit, restez vertical et fendez le ciel grâce à l’urne des pompes funèbres Cosseron, en Normandie. Divisée en deux, elle accueillera vos cendres dans sa partie basse surmontée d’une graine d’érable. De quoi faire pousser votre arbre posthume et entendre chanter les oiseaux.

GRAND FROID

Quittez ce monde et sublimez-vous ! En physique, la sublimation est le changement d’état d’un corps, de solide à gazeux sans passer par l’état liquide. Après avoir utilisé tout au long de votre vie des crèmes cosmétiques aux sources des glaciers suisses, plongez dans l’azote et laissez-vous congeler. Désormais friable, votre corps sera placé sur une table de massage vibrante qui le réduira en menus morceaux lyophilisés (dont le volume sera tout de même sept fois plus important que les cendres en cas de crémation). Filtrés grâce à des séparateurs de métaux et des désinfectants, ils seront répandus à terre. Inventée en 1999 par la biologiste suédoise Susanne Wiigh-Mäsak (disparue en 2020), cette méthode, qui ressemble à une crémation par le froid, s’appelle la promession. Son nom aurait été inspiré par la promesse biblique que l’on retrouve dans l’Ancien Testament : “Tu es poussière, et tu retourneras à la poussière” [Genèse – 3.19].

COMBINAISON TENDANCE

Soignez votre ultime tenue à l’instar de Luke Perry, le bad boy solitaire de la série Beverly Hills 90210, disparu le 4 mars 2019 à Burbank, à proximité de Hollywood. Comme lui, arborez le costume funéraire intégral Infinity de l’artiste transdisciplinaire sud-coréenne Jae Rhim Lee et du styliste new-yorkais Daniel Silverstein, pionnier du mode de vie zéro déchet, qui a habillé Lady Gaga de son vivant. Présenté en septembre 2016, au Ace Hotel, pendant la Fashion Week de New York, cet ensemble deux pièces, unisexe, incrusté de champignons, couleur noire et motif dendritique blanc, revisite les vêtements de culte qui n’ont pas bougé depuis la robe pastorale de Luther, au xvie siècle. Pour une fermeture facile, l’habit Infinity présente des rabats et des boutons sur les coutures latérales.

BARRIÈRE DE CORAIL

À 43 ans, l’actrice américaine Rachel McAdams, rendue célèbre en 2004 par la comédie Lolita malgré moi, porte des vêtements en edamame (à partir de graines de soja vertes non mûres), fait du vélo à Los Angeles, a offert à son père un composteur (alimentaire) et cultive un rêve funèbre : mourir en récif. Grâce aux pompes funèbres Eternal Reefs, faites du Mémorial de Neptune, au large de la Floride, votre dernière demeure. Cette cité perdue créée de toutes pièces à douze mètres de profondeur, avec ses ruines, ses colonnes romaines et ses statues de lion, accueillera vos cendres préalablement déposées dans des sépultures ouvertes. Ainsi, vous enrichirez la plus grande barrière de corail artificielle du monde, abritant cent quatre-vingt-quinze colonies de coraux et cinquante-six espèces de poissons. Vos proches pourront s’adonner à la plongée ou jetteront des fleurs depuis un bateau. Des souvenirs de vacances inoubliables.

COMPOSTAGE HUMAIN

Également connue sous le nom de humusation, cette pratique fait immédiatement penser à la transformation de nos déchets de cuisine. Pourtant, la très select société Recompose, basée à Seattle, dans l’Etat de Washington, propose de vous ressusciter en terreau comme l’écologiste et philanthrope Ernest Brooks II, pionnier de la photographie sous-marine, et Robert Michael Cantisano, fervent défenseur de l’agriculture biologique. Ainsi vous séjournerez dans un vaisseau spécial, au contact de copeaux de bois, dans la luzerne et la paille, pendant trente jours au terme desquels votre corps sera transformé en un mètre de cube de humus. Un engrais d’excellente qualité, riche en nutriments et sans odeur. A la fin, Recompose publiera sur son site votre nécrologie, à la fois détaillée et touchante.

CAPSULE FUTURISTE

Baptisée Capsula Mundi (en français, Capsule du Monde), cette poche imaginée par un couple de designers italiens, Anna Citelli et Raoul Bretzel, fut présentée, en 2003, au Salon international du meuble de Milan. Cet œuf géant serti d’une coque en bioplastique créée à partir d’amidon de plantes hébergera votre dépouille en position fœtale. Enterrée, cette grande capsule se décomposera et permettra à vos restes de nourrir le jeune arbre qui aura préalablement été planté au-dessus.

BAIN SUPRÊME

Comme Desmond Tutu, l’archevêque anglican et militant des droits de l’homme sud-africain, proche de Nelson Mandela et lauréat du prix Nobel de la paix en 1984 pour son combat contre l’apartheid, choisissez l’aquamation. Si vous ne bénéficiez pas de funérailles nationales, vous vous rapprocherez ainsi spirituellement de celui que le révérend Michael Weeder a surnommé “l’éco-guerrier”, lors de ses obsèques à la cathédrale Saint-Georges du Cap, le 1er janvier dernier. Brevetée aux Etats-Unis à la fin du XIxe siècle et destinée à éliminer les restes des animaux d’abattoirs à moindres coûts, l’aquamation, également connue sous le nom d’hydrolyse alcaline, est un procédé de crémation à base d’eau, de potassium et de sodium qui réduit jusqu’à 90 % la quantité de dioxyde de carbone nocif pour l’environnement. Bonus : votre hanche en titane et vos bijoux resteront intacts.