À la Gaîté Lyrique, la deuxième édition du festival Anticipation fait exploser toutes les barrières. Plus question de baliser les différentes pratiques créatives, sagement parquées dans des musées ou des salles de concert. Ici, l’art se conçoit dans sa totalité et, surtout, porte un message engagé. 

Plus question de faire joli sur les murs d’une galerie : à la Gaîté Lyrique, à Paris, on se sert de l’art pour parler écologie, alerter, sensibiliser. Entièrement gratuit, l’événement imaginé par les agences togaether et Tactic/14Septembre interroge les intersections entre les arts et les enjeux environnementaux et mise sur le beau pour éveiller les consciences en douceur. Un projet ambitieux porté par des artistes qui le sont tout autant. Alors que Sarah Valente dévoile les secrets des forêts à travers ses photographies oniriques, les performances musicales de l’artiste pluridisciplinaire camerounais Blick Bassy nous font danser sur un conte écologique sur l’eau quand les installations du Studio Orta questionnent l’impact social et environnemental de l’humanité. Faisant la part belle aux arts numériques (après tout, ne sommes-nous pas dans le temple des cultures post-internet ?), la manifestation rassemble également quelques-uns des exemples les plus contemporains de la création digitale, des jardins numériques de Sabrina Ratté aux expériences de hacking déstabilisantes du collectif Disinovation.org. 

Remettre l’art à sa placeIci, pas besoin d’avoir un bac+5 en histoire de l’art, ni d’être de toutes les manifs : pendant trois jours, les expositions d’art contemporain et de design, les performances, les projections ou les concerts misent sur une pédagogie douce, complétée par une programmation pointue autour d’ateliers et de tables rondes thématiques. Se pose alors la question du rôle de l’art : quand a-t-il cessé de bouleverser pour décorer ? Jamais, à en croire la Gaîté Lyrique, qui rappelle que, de tout temps, la création a contribué à faire bouger les lignes, à en mettre certains en rogne et à en représenter d’autres. Là où les impressionnistes, rejetés par l’élite, célébraient la nature en la figeant sur de grands formats habituellement réservés aux scènes historiques, le festival Anticipation s’inspire de cet acte de révolution pacifiste et imagine un instant où la création sert un discours essentiel à toute époque : celui de la nécessité de changer nos habitudes pour, espérons-le, changer le monde qui nous entoure.

Photos Fannie Plessie