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KAÏ-CHUN CHANG : QUE LA LUMIÈRE SOIT !

Par ZOE TEROUINARD

À la galerie parisienne Romero Paprocki, l’artiste taïwanais Kaï-Chun Chang passe “D’air à Terre” en un claquement de doigts. Entre éloge de la lumière et minimalisme assumé, on a rencontré ce maître du geste discret. 

Myope depuis l’enfance, Kaï-Chun Chang “voit constamment des choses floues”. Peut-être est-ce pour cela que ses travaux, présentés à la galerie Romero Paprocki (au 8, rue Saint-Claude, Paris 3e) jusqu’au 23 novembre 2024, ne s’organisent pas autour d’un point focal et immergent le spectateur dans un ensemble trouble, perturbé par quelques rais de lumière. “Dans cette série intitulée ‘Les Lumières lointaines’, je travaille dans le flou. C’est une manière de montrer ce que je vois, ce qui est évident pour moi physiquement”, explique le diplômé des Beaux-Arts de Paris. “La peinture elle-même est assez peu contrastée, donc nos yeux cherchent toujours à trouver le focus. Et quand tout est flou, le regard est obligé de circuler sur la toile, puis, avec le temps, nos yeux s’habituent et le contraste commence à devenir de plus en plus important. Ce qui m’intéresse, c’est ce développement du regard dans le temps et dans le mouvement.” 

Faire disparaître le geste

Une peinture étrange sur fond gris où le geste est à peine perceptible, interrogeant aussi bien notre perception que la technique utilisée par l’artiste. “J’ai commencé cette série en sortant des Beaux-Arts en 2018, pour tenter de représenter la lumière, celle qui est partout, qui nous fait voir des choses. Je me suis demandé s’il était possible de la représenter telle quelle, sans les objets, sans l’environnement autour. Ça a débuté avec un fond monochrome gris, parce que je pense que c’est la couleur la plus révélatrice de toutes les couleurs du spectre. J’utilise de la peinture acrylique, que je mélange à de l’eau pour obtenir une couleur très diluée, comme l’encre. Ensuite, je prends un pinceau large japonais à poils de mouton très doux et je viens déposer la peinture couche par couche dans la transparence. Avec cet effet de superposition, les gestes s’effacent.” 

Quand tout devient lumière

Autour de ces apparitions spectrales, de plus petits formats, marron cette-fois, nous invitent à découvrir une toute autre facette de l’artiste. Intitulée “Dot”, cette série plus récente explore une teinte “très riche, qui est la composition de plusieurs couleurs”. Agrémentées de touches de nuances vibrantes, ces toiles rompent avec ce que Kaï-Chun Chang a toujours fait. “C’est vraiment l’opposé de ce que je faisais avant, avec des centaines de couches pour former un fragment de lumière. Ici, chaque geste indique un point lumineux,” nous explique le plasticien. “Entre ces deux séries, j’ai presque fait de la peinture figurative, voire des paysages. Mais petit à petit, j’ai réduit. Et au bout, le début et la fin se rejoignent. Quand on réduit la forme, tout devient la couleur et la lumière.” D’air à Terre, on comprend mieux. “Le titre de l’exposition indique justement un changement, la manière dont cette première série a amené à une autre”, conclut le peintre, ravi de voir son univers se connecter en un tout cohérent, allant d’un élément à un autre à la vitesse de la lumière.