Derrière son allure décontractée et ses punchlines aiguisées, Jason Brokerss n’a qu’un seul credo : faire rire avec une sincérité désarmante. Ce caméléon de l’humour puise dans les anecdotes de son quotidien pour offrir des spectacles mêlant tendresse et authenticité, où chaque rire résonne avec justesse. Incontournable à l’Européen, il mérite clairement de faire éclater son talent au-delà des frontières.
Des premiers pas spontanés au Paname aux salles combles d’aujourd’hui, Jason Brokerss nous plonge dans un univers où le rire s’impose comme une thérapie du quotidien. Avec une sincérité touchante et un sens aigu de l’autodérision, il dévoile ses anecdotes familiales, ses potes fidèles et les tribulations d’un papa de quatre enfants. Entre stand-up percutant, gestion des réseaux sociaux et ambitions cinématographiques, Jason jongle avec ses multiples casquettes, sans jamais perdre de vue l’essentiel : transformer chaque éclat de rire en un moment de partage universel et profondément humain.
CitizenK : Salut Jason, ça va ? On va commencer direct. Dis-moi, comment t’es arrivé au stand-up ? Tu te souviens du moment où tu t’es dit : “C’est ça que je veux faire” ?
Jason Brokerss : Alors, ça s’est fait très simplement. J’étais allé voir un spectacle au Paname avec ma femme – à l’époque, elle était juste une amie. En sortant, elle m’a dit : “Tu devrais essayer !”. J’ai répondu “OK”, sans grande attente. Mais j’ai adoré ! Je n’avais jamais imaginé que monter sur scène me plairait autant. C’était presque une révélation.
Est-ce que tu as toujours été “drôle” ?
J’étais déjà le mec marrant dans mon groupe de potes, mais jamais je n’avais imaginé monter sur scène. Faire rire mes amis, c’était naturel, mais de là à le faire devant des inconnus, c’était un monde totalement différent.
Ta première scène, ça s’est passé comment ?
C’était au Paname, l’après-midi, avec peu de monde dans la salle. Franchement, je voulais juste m’amuser. Je n’avais aucune pression. Mes potes étaient là et rigolaient, donc c’était cool. Ce n’était pas parfait, loin de là, mais l’énergie était bonne et j’ai pris confiance.
Pas trop de stress, donc ?
Non, pas du tout ! Je ne suis pas du genre anxieux sur scène. Je fais ça pour rire et faire rire. Il y avait une sorte de légèreté au départ, ce qui m’a permis de tester sans craindre l’échec. C’était juste du fun.
Tu parles beaucoup de ton entourage dans ton spectacle : ta femme, tes potes, la paternité… C’est ton quotidien qui t’inspire ?
Oui, carrément ! Ma femme, mes enfants, mes potes, c’est tout mon univers. J’ai appris à détecter les moments drôles dans les situations du quotidien. Quand il se passe un truc, je prends une note dans mon téléphone et je le teste sur scène. Tout est potentiellement une blague, il suffit juste d’être attentif.
Comment ça ? Est-ce qu’on sait, sur le moment, si une situation peut être drôle sur scène ?
Avec l’expérience, tu développes un radar à situations comiques. Parfois, tu vis un moment et tu te dis : “Là, il y a un potentiel”. Je note tout sur mon téléphone. D’ailleurs, j’ai des milliers de notes : 1 100 dans un dossier, 600 dans un autre, 2 799 dans un troisième… Par exemple, j’ai récemment retrouvé une note qui disait juste “pâtes, fatiguée, soir, trié placards”. Ce soir-là, ma femme était crevée, on avait prévu un dîner express avec des coquillettes. Mais au lieu de cuisiner, elle a vidé les placards pour trier les produits périmés. Il était 23h30, on était morts de fatigue, et elle a décidé que c’était le bon moment pour un grand nettoyage. Ce genre de scènes absurdes, j’adore les raconter sur scène. Si elles fonctionnent en spectacle, elles deviennent des sketchs.
Tu abordes aussi des sujets personnels, comme la mort d’un ami, mais toujours avec humour. Pourquoi ce choix ?
Parce que les gens viennent pour rigoler, pas pour entendre mes drames. Je voulais dédramatiser, en faire quelque chose de drôle. Fary m’a conseillé de commencer mon spectacle par ce passage, pour poser tout de suite l’ambiance : “Ici, on rigole de tout !”. C’est une manière de montrer qu’il n’y a pas de sujets tabous, tant que c’est fait avec respect.
Tu improvises sur scène ou tout est écrit ?
Je dirais que 85 % du spectacle est écrit. Mais il y a toujours des moments spontanés. Parfois, une vanne surgit sans prévenir, et si ça marche, je la garde pour la prochaine fois. J’aime bien laisser une petite part d’imprévu, ça me permet de rester frais et connecté avec le public.
Comment gères-tu les silences ou les moments où le public ne rit pas ?
C’est encore un truc sur lequel je bosse. J’aime que ça s’enchaîne sans arrêt. Parfois, c’est bien de laisser respirer les choses, mais j’ai du mal à ne pas enchaîner les rires. C’est un équilibre subtil à trouver.
Tu as invité Merwane Benlazar pour ta première partie. Il a traversé une période sombre, pourquoi était-ce important pour toi de lui donner cette tribune ?
Il m’a contacté après avoir vu mon spectacle. Comme nous sommes très proches et que je l’ai soutenu pendant ce moment difficile, ça s’est fait naturellement, d’autant que je savais que mon public serait bienveillant avec lui. Et effectivement, il a reçu un super accueil.
L’humour a-t-il aujourd’hui un rôle politique ?
Oui. Les humoristes ont cette capacité unique à provoquer des prises de conscience en abordant des sujets sérieux de manière légère. Personnellement, je préfère écouter un humoriste qu’un politicien. Notre force, c’est notre capacité à prendre du recul. On n’a pas “la tête dans le guidon” – on analyse les situations avec distance tout en y mettant de l’émotion. C’est notre métier de prendre de la hauteur et d’en rire.
Et comment vis-tu l’humour à l’heure des réseaux sociaux ?
Mal ! (Rires) J’ai pas l’âge de faire des stories toute la journée ! Avant, un bon passage sur YouTube suffisait. Maintenant, il faut des vidéos tous les jours. Je fais ce que je peux, mais je préfère travailler mes blagues longtemps avant de les sortir. Les réseaux, c’est beaucoup de pression pour produire du contenu en continu.
Et les comedy clubs, tu en penses quoi ?
Ils sont partout maintenant, et tant mieux ! Moi, je les utilise surtout pour tester des blagues. C’est un terrain d’essai parfait pour affiner un spectacle.
Et la suite, c’est quoi ?
J’aimerais bien faire du cinéma ! Mais pour l’instant, je me concentre sur mon spectacle. Chaque soir, je change des petites choses pour l’améliorer. J’aime l’idée d’évoluer constamment.
Merci pour cet échange, Jason !
GRANDS GARÇONS
Actuellement à l’Européen à Paris
Jusqu’au 29 mars
Puis en tournée