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Crédit Photo: Billie

New Year, New Me, et si on ne changeait rien ?

Par Nalla El Shekshaky

À plus d’un mois du nouvel an, où en êtes-vous dans vos résolutions ? Nulle part? Très bien, on s’occupe de votre conscience en appelant à la fin de cette tradition masochiste.

Pourquoi s’inflige-ton à chaque 31 décembre cette sombre et redondante question : « alors, c’est quoi tes résolutions ? ». Il est temps d’en finir avec cette persistance du verbatim New Year New Me, comme si la gueule de bois du premier janvier nous transformait en un joli papillon. Reconnaissons que tout ceci est davantage une occasion pour festoyer que le jour de la salvation de toutes nos flemmes.

Mark Twain, lui-même, avait peu d’espoir en la bonne foi ambiante de la Saint-Sylvestre. « Il est maintenant le moment communément admis de faire ses bonnes vieilles résolutions annuelles. La semaine prochaine, vous pourrez commencer à les utiliser pour paver l’enfer comme à votre habitude. » écrivait-il déjà avec cynisme du haut de ses 28 ans. Quand l’écrivain ne nous donnait qu’une semaine, l’application de running Starva, plus clémente, vous en donne plus ou moins deux. Ses statistiques ont effectivement pu définir un « Quitter’s day », fixé au deuxième vendredi de l’année, où la plupart des abonnés abandonnent leur nouvelle passion jogging.

Les responsables du New Year New Me

D’où vient alors cette injonction au New Year New Me, à cette réinvention de soi périodique ? Comme beaucoup de choses, les résolutions sont des traditions et trouvent leurs racines dans les religions. Les Babyloniens, près de 4 000 ans avant J.-C, comptent parmi les premiers adeptes de cette pratique. Pour leur nouvelle année, débutant pour eux au printemps, ils avaient pour habitude de faire toutes sortes de promesses aux dieux, notamment celle de rembourser leurs dettes.

Plus tard, chez les Romains, ces engagements étaient dédiés à la figure du dieu à deux têtes Janus, à qui on doit le mois de janvier et qui incarnait la garantie d’une meilleure année. Cette coutume a ensuite été absorbée par l’Église, qui prêchait aux fidèles des premières messes qu’il fallait souhaiter devenir un meilleur chrétien. Ces origines religieuses ne sont finalement pas très étonnantes. En 2021, ce n’est pas
au dieu bifrons que reviennent ces prières, mais à la nouvelle religion à la mode, le développement personnel. Le « culte du moi » de la montée de l’individualisme fait de vous votre propre bourreau et bienfaiteur.

Apparue vers les années 1990 aux États-Unis, cette idéologie prétend que le bonheur de chacun est entre ses mains et propose d’être une sorte de guide à son ascension. Une voie dorée spirituelle soutenue par tout un marché, lui bien matériel. Livres bien-être, coach, abonnement en salle de sports, yoga, thérapie anti-tabac et régime miracle, c’est tout un business du bien-être qui explose en janvier. C’est Noël après l’heure pour toute une industrie qui profite de votre optimiste et vous sert chaque année le mirage
de ce « New Me » pré-emballé, mais qui n’arrive pas en 24h comme espéré.

Les bonnes résolutions de Citizen K

Qui plus est, les deux dernières années nous ont bien prouvé que nous n’avions pas le pouvoir de tout contrôler et que les facteurs extérieurs, comme un virus aux millions de variants, influent beaucoup sur notre quotidien et sur notre motivation. Il est temps de lâcher prise et d’arrêter de vouloir se faire violence. C’est quand même plus agréable de se laisser dévorer une saison entière sous la couette plutôt que d’aller faire un footing sous la pluie glacée de janvier.

Les résolutions sont une tradition ancestrale, mais les briser est sans nul doute un art tout aussi vieux. Même en pleine Angleterre victorienne, si hantée par le perfectionnement personnel, le magazine Funny Folks se moquait de ces promesses aériennes avec des personnages fictifs terriblement modernes comme M. Lazybohns, littéralement M. Flemmard, qui a juré de ne plus être en retard au travail, mais part désormais une bonne demi-heure plus tôt.

En somme, plutôt que d’écouter des gourous de Pinterest, Citizen K vous propose de suivre les conseils de notre chouchou gourou à nous, le grand Tom Ford. Le Messi de Gucci ne croit pas non plus aux résolutions de la nouvelle année, car il pense qu’il faut déjà vivre sa vie comme on le souhaite chaque jour. De belles paroles, mais nous préférons son conseil le plus précieux : « la chose la plus importante est de se laver et de s’hydrater le visage deux fois par jour ». Nous vous laissons commencer l’année sur cette belle note.