×
Vue de l’exposition « L'homme qui a perdu son squelette » à la galerie Derouillon, Paris. Photo © Grégory Copitet

Tour de France des expos de l’été

Par Justine Sebbag

Non, l’été n’est pas un désert intellectuel où votre cerveau suffoque en attendant le retour des beaux jours culturels avec les grandes expos de rentrée. La saison estivale, c’est aussi une oasis d’expos aux quatre coins de la France qui vous désaltèrent l’esprit. Des jeunes talents contemporains aux grands noms de l’art moderne en passant par une exploration des scrapbooks des cinéastes d’avant-garde ou encore une réflexion sur l’évolution des styles capillaires, laissez-vous guider par notre sélection d’événements culturels à ne pas manquer cet été pour faire marcher vos neurones et tourbillonner vos émotions. Bien mieux que de cuire au soleil ! 

L’homme qui a perdu son squelette à la galerie Derouillon à Paris 

Jusqu’à la fin du mois de juillet à la Galerie Derouillon, un projet ambitieux est à découvrir : celui d’un dialogue fragmenté entre les artistes de la jeune scène contemporaine (Julian Farade, Pierre Unal Brunet, Chloé Royer, Yein Lee, Marouane Bakhti) et des artistes établis et reconnus (Jean Messagier, Marianne Berenhaut, Jacqueline de Jong). Cette exposition collective reflète une époque troublée, où nos repères se volatilisent et nos certitudes s’effritent. Elle invite à repenser la fragilité du moment présent en replaçant notre attention sur nos relations avec le vivant, comme le suggère le philosophe Baptiste Morizot. Les corps, les langues et les idées sont déconstruits, étirés, compilés, effacés, mélangés – offrant la possibilité d’un réenchantement et la capacité d’écrire de nouveaux récits. 

Jusqu’au 29 juillet à la galerie Derouillon, 13, rue de Turbigo, 75002 Paris

Mous Lamrabat à la galerie Le Château d’Eau à Toulouse 

L’univers riche en couleurs de Mous Lamrabat, photographe maroco-belge, se veut légèrement surréaliste grâce à ses images sensibles et subtilement provocantes. Misant sur sa double culture et son humour, cet artiste combine les codes du luxe et des objets traditionnels marocains afin de transmettre un message d’unité entre monde occidental et monde oriental. Mous Lamrabat détourne par exemple des logos de marques occidentales et des symboles culturels pour créer des compositions visuelles audacieuses et vibrantes. Son travail joue sur l’interprétation, mélangeant la photographie de mode, la parodie, la critique de la société de consommation et des mises en scène créatives. L’exposition offre un moment visuellement riche en contrastes et en énergie positive, avec en toile de fond la célébration de valeurs comme l’inclusion et la diversité. 

Jusqu’au 27 août à la galerie Le Château d’Eau, 1, place Laganne, 31300 Toulouse.  

Pol Taburet, OPERA III : ZOO “The Day of Heaven and Hell” à Lafayette Anticipations à Paris 

OPERA III: ZOO “The Day of Heaven and Hell” est une invitation à plonger dans l’univers obscur de Pol Taburet, où peintures, sculptures et installations se rencontrent dans un espace faussement domestique aux couleurs vibrantes. Pour sa première exposition institutionnelle, l’artiste nous transporte dans les tréfonds de la psyché, de la spiritualité et de l’âme humaine. À son jeune âge (26 ans, ndlr.), l’artiste semble déjà bien connaître ses démons et nous les présente sous la forme de monstres. Tantôt effrayantes, tantôt réconfortantes, ses œuvres évoquent tour à tour des souvenirs d’enfance, le couple, les peurs et les désirs qui animent notre existence. À chaque recoin de l’exposition, des sculptures qui semblent garder les lieux se dévoilent et des figures aux cris étincelants semblent surgir des ténèbres. 

Jusqu’au 3 septembre 2023 à Lafayette Anticipations, 9, rue du Plâtre, 75004 Paris. 

Forever Sixties au Couvent des Jacobins à Rennes 

Une sélection aux petits oignons de 80 œuvres de la collection Pinault – Richard Avedon, Gilbert & George, Barbara Kruger, Niki de Saint Phalle… – est à découvrir cet été au Couvent des Jacobins, dans la capitale bretonne. Témoignage de l’ébullition artistique de cette époque émancipatrice que furent les années 1960, Forever Sixties vous transporte au cœur des mouvements pop art et nouveau réalisme. Ces courants audacieux ont défié les codes esthétiques établis en insufflant une dose rafraîchissante de modernité et d’irrévérence à travers l’incorporation d’objets du quotidien dans l’art. Explorant les tensions et aspirations qui caractérisent les Swinging Sixties, l’exposition revient sur une période tumultueuse, façonnée par de nombreux bouleversements socio-culturels. 

Jusqu’au 10 septembre au Couvent des Jacobins, 20, place Sainte-Anne, 35000 Rennes. 

Surréalisme au féminin ? au musée de Montmartre à Paris 

Si l’on connaît bien l’univers des artistes surréalistes de sexe masculin, l’exposition estivale du musée de Montmartre revient sur son versant féminin, qui reste méconnu du grand public. Souvent réduites au rôle de muse, les femmes surréalistes ont pourtant produit un grand nombre de créations artistiques aussi remarquables que visionnaires. Des autoportraits de Claude Cahun à la célèbre tasse recouverte de fourrure de Meret Oppenheim en passant par les photographies de guerre de Lee Miller, ces œuvres ont questionné très tôt les notions de féminité et de domesticité. L’exposition Surréalisme au féminin ?, dont le titre prend volontairement la forme interrogative, est conçue comme une réflexion qui tente d’appréhender ce que fut réellement la part féminine du mouvement, invitant à poursuivre cette recherche en dehors du musée. 

Jusqu’au 10 septembre au musée de Montmartre, 12 Rue Cortot, 75018 Paris. 

Des Cheveux et des Poils au musée des Arts décoratifs à Paris  

Cette exposition peu conventionnelle présente plus de 600 œuvres d’art témoignant de l’évolution des styles capillaires dans la culture occidentale, du Moyen Âge à nos jours. Des Cheveux et des Poils met également en lumière des coiffeurs légendaires comme Léonard Autier (le coiffeur préféré de Marie-Antoinette) et Alexandre de Paris (l’inventeur de la « haute coiffure »), et des créateurs contemporains tels qu’Alexander McQueen et Martin Margiela. Au-delà de l’esthétique, l’exposition explore les implications culturelles et sociales des cheveux et des poils. De la symbolique virile associée à la barbe dans les sociétés occidentales à la rébellion des mouvements de contre-culture comme les hippies et les punks, elle dévoile comment la coiffure a toujours été un moyen d’affirmation de soi et de transgression des normes établies.

Jusqu’au 17 septembre au musée des Arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris

Scrapbooks – Dans l’imaginaire des cinéastes aux Rencontres de la photographie à Arles 

Lauréat de la bourse de recherche curatoriale 2021 des Rencontres d’Arles, Matthieu Orléan – commissaire d’exposition à la Cinémathèque française – présente cet été Scrapbooks – Dans l’imaginaire des cinéastes à l’Espace Van Gogh. Entre l’album photo et le journal intime, les scrapbooks mélangent photographies, dessins, timbres et coupures de presse. Ancêtre du moodboard digital, le scrapbooking permet de créer des univers de narration visuelle. Séduits par les possibilités infinies de cette pratique, les cinéastes d’avant-garde du XXe siècle en raffolaient, à l’instar de Derek Jarman, Agnès Varda ou encore Chris Marker. 

Jusqu’au 24 septembre à l’Espace Van Gogh, 18, place Félix-Rey, 13200 Arles. 

Baya. Une héroïne algérienne de l’art moderne à la Vieille Charité à Marseille 

Après son succès à l’Institut du monde arabe à Paris, l’exposition poursuit sa tournée et fait escale au Centre de la Vieille Charité de Marseille jusqu’au 24 septembre. Cette nouvelle étape présente plusieurs œuvres et documents supplémentaires, offrant une exploration approfondie de l’œuvre captivante de Baya. L’occasion de découvrir sa maîtrise des formes, des couleurs et de la composition. Inspirée par son environnement méditerranéen, Baya développe un répertoire de motifs qui deviennent récurrents dans son œuvre tels que les femmes, les fruits, les papillons, les oiseaux, les poissons, les fleurs et les instruments de musique. À travers ses peintures, dessins et céramiques, l’exposition suit la trajectoire artistique de Baya dont les différentes facettes font d’elle l’une des héroïnes de l’art moderne. 

Jusqu’au 24 septembre au Centre de la Vieille Charité, 2, rue de la Charité, 13002 Marseille. 

Le langage du corps à la Fab. à Paris  

Agnès b. continue de présenter sa collection personnelle et met en avant une soixantaine d’artistes contemporains emblématiques tels que Jean-Michel Basquiat, Nan Goldin ou Harmony Korine. Les œuvres fascinantes de ces artistes révèlent toute la puissance de l’expression non verbale, « c’est-à-dire tous les messages que l’on peut faire passer sans avoir recours à la parole ». D’un regard complice capturé par l’objectif de Peter Hujar à la grâce des mouvements immortalisés par Malick Sidibé, chaque photographie raconte une histoire sans mots. Le langage du corps explore la signification cachée derrière chaque mouvement, chaque posture. Chaque cliché célèbre ainsi le corps comme un moyen d’expression puissant, révélant ainsi toute la poésie et la force des interactions physiques. 

Jusqu’au 22 octobre à la Fab., place Jean-Michel Basquiat, 75013 Paris. 

Le retour au Mrac Occitanie à Sérignan 

Défiant les traditionnelles attentes d’une exposition de collection muséale, Le retour est un voyage fantasmagorique, une odyssée de l’esprit, où le familier rencontre l’extraordinaire. Le titre de l’exposition résonne avec mystère, laissant les spectateurs se questionner sur sa signification. Réalisée en collaboration avec Juliette Pollet, conservatrice au Cnap (Centre national des arts plastiques), et Clément Nouet, directeur du Mrac (musée régional d’art contemporain en Occitanie), cette exposition réunit vingt-neuf artistes de différentes générations, travaillant en Europe et aux États-Unis. Résultat de l’avalanche contemporaine d’images et d’objets, les œuvres subvertissent et perturbent les canaux numériques à travers lesquels les images circulent, embrassant l’étrange. La peinture et les pixels fusionnent, du papier peint orne le white cube, les sculptures semblent molles, voire flasques. Le retour s’amuse avec les grands principes du modernisme. Dans ce monde séduisant de lumières LED et de surfaces glacées, tout est corrompu, tendancieux et joyeusement dysfonctionnel. 

Jusqu’au 7 janvier 2024 au Mrac Occitanie, 146 avenue de la Plage, 34410 Sérignan.