Sølve Sundsbø n’est certainement pas un nouveau visage dans le monde de la photographie. Auteur de séries de clichés ayant occupé les pages des plus grands magazines de mode au monde – de W Magazine à Vogue, en passant par Numéro Magazine, Dazed & Confused, Harper’s Bazaar, i-D et bien d’autres encore – ainsi qu’œil derrière de nombreuses campagnes pour les marques les plus prestigieuses, ce Norvégien installé à Londres depuis 30 ans peut se targuer de faire partie de ceux qui ont révolutionné l’image de mode.
Le mérite en revient à une approche disruptive mêlant l’emploi de techniques innovantes — telles que le scan 3D, les rayons X ou encore les retouches peintes à la main — à un goût prononcé pour l’onirisme, une singularité qui lui a valu plusieurs récompenses, dont un Emmy Award en 2012 pour sa série de courts-métrages 14 Actors Acting, réalisée pour le New York Times. Récemment nommé photographe du Calendrier Pirelli 2026 – dont les portraits, réalisés en studio à Londres et New York, intègrent des images tournées en extérieur dans la campagne anglaise du Norfolk et de l’Essex – succédant à Ethan James Green et à une longue liste de prédécesseurs prestigieux comme Annie Leibovitz et Richard Avedon, Sundsbo nous a rencontrés pour revenir sur sa vision et nous parler de son dernier projet, où figure un casting international de femmes de succès, telles que Tilda Swinton, FKA Twigs, Isabella Rossellini, Venus Williams ou encore Luisa Ranieri.
CitizenK : Vous êtes une figure incontournable de la photographie de mode depuis plus de vingt ans. Comment définiriez-vous votre style aujourd’hui en trois mots ?
Sølve Sundsbø : Puis-je en utiliser quatre ?
Bien sûr.
Je n’ai pas de style.
Et qu’est-ce qui fait une bonne image de mode ?
La même chose qui caractérise une bonne photo. Tout simplement, elle doit faire rêver.
Vous avez toujours cultivé une esthétique mêlant tradition et expérimentation. Qu’est-ce qui guide aujourd’hui votre recherche visuelle ?
Tout évolue — ce serait triste que la mode n’évolue pas elle aussi. En ce sens, la technologie n’est pas essentielle en soi, mais elle constitue un outil, un moyen de raconter des histoires. Dans ce cadre, la mode, lorsqu’elle est à son apogée, participe à la conversation sur la société et incarne une forme de rébellion.
Comment votre regard sur le corps a-t-il évolué depuis vos débuts ?
Ce qui a changé dans le milieu, c’est ce qui est considéré comme “acceptable”. J’ai beaucoup photographié des personnes plus size depuis mes débuts, mais je pense que la perception du corps dans la mode reste compliquée, parce que encore aujourd’hui les vêtements sont surtout conçus pour les personnes skinny. Même s’il y a plus d’inclusivité, il reste donc énormément de travail à faire.
Vous avez été choisi·e pour réaliser le Calendrier Pirelli 2026. Comment un·e photographe de mode aborde-t-il un projet aussi emblématique ? Conceptuellement, quel type de travail cela demande-t-il ?
Je me considère comme un photographe, pas seulement comme un photographe de mode. Pour moi, le meilleur, c’est quand un désir est transmis — une passion qui dépasse le simple vêtement, parce que on ne prend pas une photo juste pour dire “regardez cette belle robe”. C’est pareil avec le calendrier Pirelli : l’objectif n’est pas de vendre un produit, mais de transmettre une idée, une vision.
Peter Lindbergh, Tim Walker, Annie Leibovitz, Richard Avedon, Patrick Demarchelier ou encore Steve McCurry vous ont précédé. Y a-t-il une édition en particulier qui vous inspire ?
En étudiant l’histoire du calendrier, on se rend compte que des choses très différentes ont été faites. Alors, par où commencer ? Je ne veux pas être diplomatique, mais pour moi, il était essentiel de partir d’une vue d’ensemble et de comprendre l’ADN du calendrier.
À votre avis, pourquoi ce calendrier a-t-il acquis un statut culte dans le monde de la mode ?
Parce qu’il y a eu un engagement constant à travailler avec les meilleurs talents et à créer un objet beau, unique, qui n’existe plus nulle part ailleurs et dont on a besoin, à une époque où presque tout le travail visuel finit sur les réseaux sociaux.
La nature occupe une place centrale dans votre travail. Que représente-t-elle pour vous ?
J’habite à Londres depuis 30 ans, mais je viens de Norvège, vous voyez. La question n’est pas ce que cela représente pour moi, la question, c’est que la nature est tout pour l’être humain. Dans le calendrier Pirelli j’exprime ce désir d’être dehors, je cherche à transmettre le désir d’être en pleine nature.
Le mouvement est aussi un élément essentiel. Il transparaît dans vos techniques, mais aussi dans vos courts-métrages, ou « images en mouvement », selon vos mots. Comment ce concept influence-t-il votre processus créatif ?
Pour moi, une photo, c’est comme un vers d’un poème, un petit extrait. Ainsi, les images en mouvement me fascinent car elles sont un outil à travers lequel raconter ce qui se passe avant et après l’instant capturé. Dans ce cadre, je peux vous annoncer que, pour la première fois dans l’histoire du calendrier Pirelli, un film sera diffusé — et pas qu’un making-of.
En définitive, que peut-on attendre de votre vision du calendrier Pirelli ?
Le récit d’un ensemble d’histoires différentes et originales, où les éléments de la nature deviennent un moyen de nous reconnecter à nos origines.