Révélé au grand public lors de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024, Arthur Cadre incarne une vision libre et décloisonnée de la création. Passé par le Cirque du Soleil et classé Forbes 30 Under 30 en 2022, l’artiste breton brouille les frontières entre danse, théâtre, mode et performance, revendiquant un art en mouvement, loin de toute hiérarchie. Rencontre.
CitizenK : Avant de commencer à parcourir le monde en tournée, vous avez grandi à Perros-Guirec, en Bretagne. En quoi le fait de grandir dans une petite ville a influencé votre vision et votre parcours artistique ?
Arthur Cadre : Je pense que si je n’étais pas originaire de Bretagne, je n’aurais peut-être pas eu la curiosité d’aller voir ce qui se passe ailleurs. C’est donc quelque chose qui a vraiment défini mon univers créatif, d’une manière à la fois consciente et inconsciente. Cela m’a un peu poussé à imaginer et à développer autre chose. C’est d’ailleurs à ce moment-là que je me suis rapproché de la danse.
Aujourd’hui, vous êtes un artiste multidisciplinaire, mais votre première passion, c’était la danse. Qu’est-ce qui vous passionne et vous fascine encore aujourd’hui dans la danse plus que dans d’autres formes d’art ?
Il y a une forme de viscéralité dans la danse, qu’on ne retrouve pas nécessairement ailleurs. De plus, il y a une liberté de création, une originalité propre à cet art. Quand on est danseur, on est aussi chorégraphe : on cherche nos propres mouvements. C’est cet esprit de recherche que je trouve extrêmement fascinant.
Metteur en scène, mannequin, chorégraphe, photographe, architecte, directeur artistique… Comment gérez-vous cette énergie créative presque démesurée ?
C’est justement cela qui nourrit ma créativité. Quand je fais de la mise en scène, par exemple, j’ai souvent des idées pour d’autres projets, que je note un peu à droite et à gauche, et sur lesquelles je reviens plus tard. Au contraire, si j’étais vraiment concentré sur un seul médium, je pense que je passerais à côté de plein d’autres choses. Cette approche est sûrement aussi due à mes études en architecture, où l’on explore tout un tas d’arts et de sciences.
Vous avez déjà vécu plusieurs vies, mais on peut dire que vous avez gagné en popularité auprès du grand public après avoir été le « Golden Voyageur » de la cérémonie de clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024. Est-ce que ce moment-là a changé d’une certaine façon votre vision artistique ou votre trajectoire ? Qu’est-ce que cela vous a apporté ?
Cela m’a certainement apporté de la notoriété. Il y a quelques mois, j’étais à Las Vegas et on m’en a encore parlé, plus d’un an après ! Mais plus spécifiquement, ce spectacle a radicalement changé ma vision de la mode, parce que le costume conçu par Kevin Germanier a largement influencé et défini le personnage, ainsi que sa manière de bouger. Alors qu’habituellement, mon point de départ est la corporalité, autour de laquelle j’adapte les costumes, là, c’était l’inverse : le costume était l’épicentre autour duquel on a développé toute une gestuelle.
Quelle est votre relation à la mode ?
J’admire sincèrement la mode, car je trouve que les designers parviennent à créer de véritables personnages rien qu’avec le vêtement – ce qui est formidable pour quelqu’un qui, comme moi, vient du monde de la performance, où l’on a besoin de tout un ensemble d’artifices et de mouvements pour raconter des histoires. Évidemment, c’est un milieu plein de contradictions, mais je pense aussi que la manière dont l’industrie fonctionne devrait inspirer d’autres domaines, comme celui du théâtre.
D’ailleurs, vous avez déjà défilé pour Dolce & Gabbana et, plus récemment, pour Rick Owens.
Chez Rick Owens, c’était une performance folle ! D’ailleurs, c’était aussi une expérience fascinante, car j’ai découvert que derrière l’univers très dark de la marque se cachait un homme toujours très souriant.
Lors de ce shooting, vous arborez des tenues baroques, très colorées et dans un style comfy-chic. Quel est votre style vestimentaire au quotidien ?
J’aime les pièces déstructurées et les silhouettes architecturales, mais en même temps, je me sens à l’aise dans des tenues plus décontractées. Finalement, je dirais que je recherche un style éclectique. J’aime qu’on ne sache pas si je me suis habillé pour une soirée entre amis ou pour aller à l’opéra.
Votre dernier spectacle, The Gladiator Dream, présenté aux Arènes de Nîmes, portait en lui un esprit pop mêlant cirque, théâtre, danse, opéra et performances « stunt ». Pourquoi ce mélange ? Plus généralement, qu’est-ce que vous cherchez dans ce melting-pot artistique ?
L’idée, c’est d’essayer de créer des moments de magie inespérés, inattendus, surprenants. Dans ce cadre, je trouve qu’on peut faire des choses très belles avec les arts que l’on définit comme « populaires », comme le cirque. J’ai toujours pris un peu de ce que j’aime dans toutes les disciplines. D’ailleurs, quand on voit mes spectacles, on peut se douter que ça va finir en pizza hawaïenne ! Mais au fond, je pense que l’art de la mise en scène, c’est justement de réussir à faire coexister des choses qui ne vont pas forcément ensemble, pour obtenir un résultat à la fois impressionnant, touchant et surprenant.
D’ailleurs, vous ne vous êtes pas « limité » à diriger le spectacle, vous étiez aussi sur scène. Est-ce que c’est plus fort chez vous le besoin de performer ou celui de créer, et pourquoi ?
Honnêtement, je ne saurais pas choisir. Je dirais que les deux pratiques vont ensemble, car elles partagent la même énergie créative. C’est juste que cette énergie utilise des moyens différents pour s’exprimer et se développe de manière différente.
On dirait que les deux pratiques ont besoin l’une de l’autre.
Tout à fait. Diriger l’ensemble du spectacle m’aide à mieux structurer les performances et vice versa. Dans Le rêve du gladiateur, je me suis calé dans une des scènes de manière subtile, me cachant parmi le public et commençant, à un certain point, à flotter dans les airs avec l’aide de fils.
Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets ?
Alors là, il y a du choix ! En premier, je suis en train d’adapter Le rêve du gladiateur pour l’exporter au Mexique. Puis je suis en train de développer d’autres concepts de spectacles. Il y aura aussi pas mal de mise en scène et, évidemment, je ne vais pas abandonner la danse. Cela me permet de garder les pieds sur terre.
Et cela vous aide aussi à mieux structurer les spectacles, j’imagine.
Complètement ! Ce va-et-vient entre la scène et les coulisses est complémentaire à la compréhension des mécanismes des deux disciplines, jusqu’aux moindres détails.









