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LA VITA NUOVA avec Nadia Melliti - Photos Charles Fréger

LA VITA NUOVA

Par LAURA PERTUY

Force vive et troublante de La Petite Dernière, sensuel récit initiatique signé Hafsia Herzi, cette étudiante en STAPS transcende un personnage complexe pour son premier rôle. Auréolée du Prix d’interprétation féminine cannois, Nadia Melliti déploie des trésors de sagesse en contraste avec les artifices du cinéma.

CitizenK International : Tu viens de passer plusieurs heures à essayer des vêtements, à donner corps à des looks et personnages, sous l’oeil de Charles Fréger. Comment définirais-tu ton rapport à l’image ?

Nadia Melliti : Très bon ! Qu’il s’agisse de photographie, de cinéma ou de peinture, les artistes ont cette faculté de transmettre des idées et des sentiments par l’image. Le travail du photographe se rapproche un peu de celui du metteur en scène, quand on y pense : il choisit l’espace, les décors, les positions, les bonnes lumières… Tout ce qui met en valeur le personnage, en fait. Le cinéma, ce sont des images qui transmettent des émotions, qui font sens pour les spectateurs et spectatrices, même lorsqu’il n’y a pas de dialogue.

Justement, Fatima, la jeune femme que tu incarnes dans La Petite Dernière, est quelqu’un de très intérieur, de taiseux, traversé par de grandes questions existentielles. Il y a donc énormément de ce qu’elle ressent qui se raconte par le corps et le regard.

Fatima est une guerrière, elle n’est pas là pour rigoler ! C’est quelqu’un de combatif et cette caractéristique se traduit aussi par le corps, oui. On voit sa détermination quand elle marche, joue au foot, se rend à la faculté. Elle souffre de sa situation, de vivre cette complexité [Fatima s’ouvre à son homosexualité, qu’elle cache à sa famille, fait des rencontres tout en continuant de pratiquer sa foi musulmane, ndlr], mais il faut un sacré mental pour tenir le coup, et sa gestuelle en dit long sur ce qu’elle traverse.

Qu’est-ce qui, dans ta propre expérience, t’a permis de donner chair à ce personnage ?

J’ai commencé à faire du foot très jeune et me suis confrontée à beaucoup de commentaires vraiment bêtes… On me disait que c ’était un sport fait pour les hommes, que je n’aurais jamais le niveau d’intégrer une équipe masculine. Je n’avais pas envie d’écouter ces gens, comme Fatima n’a pas envie d’écouter l’imam dans le film ; elle veut se frayer son propre chemin. Ces thématiques d’acceptation de soi et d’émancipation me sont très chères, également pour leur dimension universelle. Ça pose la question de savoir concilier les éléments qui sont contraignants dans nos vies pour être heureuse ou heureux.

Par LAURA PERTUY — Photos, CHARLES FRÉGER — Stylisme, LAURENT DOMBROWICZ

*Cet article est issu de notre numéro d’hiver 2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*