Arrivés de leur galaxie respective en traversant une longue nuit, ces quatre films percutent une rentrée cinéma si riche que ne peuvent en briller ici que quelques précieuses étoiles. L’économie fragile qui a conditionné leur voyage mérite amplement une mission en salle, que l’on vous promet sidérale.
Sirāt d’Oliver Laxe
Sortie le 10 septembre

Point de ciel sans astre dans Sirāt, qui s’arroge l’irrésistible attrait du soleil, tout autant que le cruel éclat de la lune, pour éclairer le destin homérique de ses personnages. Lancés à la recherche de Mar – prénom autrement symbolique –, son père (Sergi López) et son jeune frère (Bruno Núñez) s’immiscent dans une raveinstallée dans le désert marocain, où la terre ocre recrache sueur et poussière en pulsations lumière. Leur désarroi défie bientôt les routes escarpées de montagnes voraces, aux côtés de jeunes nomades français et espagnols, échappés du système, comme déjà propulsés vers d’autres planètes, dans la transe et dans la danse. Voyage chamanique amorcé d’entrée de film par une partition techno primitive, cette quête s’avance haut et loin dans les sables, s’ancre dans des cadres bruts, sidérants, et réveille en nos entrailles une humanité assourdissante.
Nino de Pauline Loquès
Sortie le 17 septembre

Remarqué en compétition à la Semaine de la Critique en mai dernier, le premier long de l’ancienne journaliste Pauline Loquès traverse les quatre jours qui séparent le taiseux Nino de son destin, après l’annonce d’une maladie, glanant tout ce que le jeune homme dépose de vie dans l’intervalle. Aux scènes d’errance parisienne, auxquelles la figure rêveuse de l’acteur québécois Théodore Pellerin sied si bien, se mêle une foule de face-à-face sur corde sensible. Autant de variations libres autour de la délicate démarche artistique de Marina Abramović – qui proposa en 2010, au MoMA, aux visiteurs de s’asseoir face à elle et de plonger les yeux dans les siens, en silence. C’est ces moments de présence totale, d’absence de projection, que Nino va chercher, en traversant souvent le drame par l’absurde et en trouvant partout matière à jouer, rire et à s’aimer.
L’Intérêt d’Adam de Laura Wandel
Sortie le 17 septembre

Lui aussi présenté à la Semaine de la Critique cette année, le deuxième long métrage de la réalisatrice belge Laura Wandel (après l’excellent Un monde, 2021) suit – dans une succession de plans séquences au style nerveux – la course ininterrompue de Lucy (Léa Drucker), une infirmière en pédiatrie qu’une mère (Anamaria Vartolomei) sollicite afin de passer la nuit avec son fils, hospitalisé pour malnutrition. Dans une impression époustouflante de temps réel, ce film minutieusement documenté (la réalisatrice a effectué une immersion de plusieurs semaines au sein d’un hôpital de Belgique) parvient à un réalisme confondant, et aborde la carence sous différents angles : dans la faiblesse inquiétante qui accable Adam, face à la pénurie de personnel hospitalier et de ressources judiciaires, tout autant que dans le manque, voire l’inexistence, de figures masculines aidantes. Un thriller social fiévreux doublé d’une saisissante tribune sororale.
Kontinental 25’ de Radu Jude
Sortie le 24 septembre

Auréolé de l’Ours d’argent du meilleur scénario à la dernière Berlinale, le nouveau film de Radu Jude (N’attendez pas trop de la fin du monde, 2023) se paie une traversée hallucinée dans la nuit de Cluj, la plus grande ville de Transylvanie. Ça s’ouvre sur un vieil homme en pleine déambulation dans un parc à dinosaures mécaniques, se poursuit dans l’appartement miteux qu’il squatte, puis opère une sortie en investissant la trajectoire d’Orsolya, l’huissière de justice qui lui intime de quitter les lieux. Une façon fûtée d’observer une Roumanie qui avance à deux vitesses, entre bonne conscience des classes aisées et déchéance de citoyens écrasés par l’ultra-capitalisme, ici mâtiné d’un nationalisme impudent. Un geste libre et foldingue bientôt accompagné de l’ensemble de l’œuvre du cinéaste roumain, présentée lors d’une rétrospective du Centre Pompidou, du 23 septembre au 11 octobre au Mk2 Bibliothèque.