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© Courtesy of Citizen K

La fine fleur de la scène indé était au Pitchfork Paris

Par Sirine El-Ansari & Justine Sebbag

Observé il y a quelques mois déjà, le retour de la tendance indie sleaze s’infiltre jusque sur les scènes musicales. Prose mélancolique, mélodies aux relents punk, style faussement négligé – une nouvelle génération de musiciens vient bousculer la scène alternative. Afin d’observer ce phénomène de nos propres yeux, CitizenK s’est rendu aux soirées « Avant-Garde » du Pitchfork Music Festival Paris. Véritable défricheur des talents indie, le festival se tenait les 18 et 19 novembre derniers dans diverses salles de concerts du XIe arrondissement. 

L’objectif 

Tout droit venus de Leeds en Angleterre, les membres de L’objectif incarnent à eux quatre le nouveau souffle de la scène indie rock anglaise. À peine sortis de l’adolescence, ils arborent déjà une attitude de stars du rock sur scène et dans leurs clips vidéo. Les prémices du groupe se dessinent alors que Saul Kane (guitare, voix) et Louis Bullock (batterie) n’ont que 12 ans. Cinq ans plus tard, l’addition du bassiste Ezra Glennon et du guitariste Dan Richardson, âgés de 17 ans eux aussi, permet au groupe de se développer et lui vaut une signature en 2021 chez Chess Club Records. Leur dernier single “The Dance You Sell” est un projet aux sonorités post-punk et indie pop, évoquant chez ceux qui l’écoutent la nostalgie d’un groupe tel que Arctic Monkeys, une inspiration “indéniable” pour Saul Kane et ses acolytes de L’objectif. Pour leur tout premier concert sur le sol français, le quatuor a foulé la petite scène du Supersonic lors du premier soir des soirées Avant-Garde. Lorsque résonnent les premières notes de guitare, l’apparente candeur des jeunes british disparaît totalement et laisse place à un jeu scénique digne des grands dandys du rock anglais. 

Romero

L’exaltation pré-concert était palpable dans les backstages du Supersonic, où nous avons rencontré les membres de Romero. Un vrai rock band à l’ancienne originaire de Melbourne en Australie, où la scène rock est loin d’avoir dit son dernier mot. Les membres du groupe, qui se sont rencontrés par le biais d’amis en commun, se sont trouvés à un moment charnière, où chacun cherchait à se renouveler musicalement. Inspiré par les riffs old school de leurs prédécesseurs, le son punk de Romero n’en est pas moins un hymne à destination de la jeunesse d’aujourd’hui. Leur premier album Turn It On ! évoque les fêtes à rallonge, les querelles amoureuses et les mauvaises décisions propres à l’insouciance juvénile. Sur scène, l’énergique frontwoman donne le rythme en symbiose avec ses musiciens. “Rock will never die” nous déclarent-ils pour conclure la rencontre et il suffit de les voir pour le croire. 

CMAT 

Avec sa country excentrique et son look de cowgirl en bas résille,  l’Irlandaise Ciara Mary-Alice Thompson, alias CMAT, avait tout pour attirer notre attention lors de la seconde soirée Avant-Garde au Supersonic. Chez CMAT, tout est propice à l’étonnement : on ne s’attendait pas à taper du pied en ayant l’impression d’être à un concert de rock, et encore moins à  apprendre que la chanteuse est originaire de Dublin en Irlande et non pas de Nashville dans le Tennessee. Hilarante chauffeuse de salle, l’autrice du hit “I Wanna Be a Cowboy, Baby!” n’a pas l’apparence d’une rockeuse mais possède bel et bien le panache d’un Iggy Pop au féminin sur scène. Avec ses santiags aux pieds et sa guitare acoustique autour du cou, la chanteuse a su emporter le public dans un rodéo musical décalé, alternant entre ballades mélodiques et morceaux humoristiques qui, pour la Gen Z, sonnent comme des blagues d’initiés. Une star d’un nouveau genre country-pop-rock. 

Grace Ives

Semblant débarquée d’un blog Tumblr des années 2010, la musicienne Grace Ives, basée à Brooklyn, se rêve plus en pop star qu’en rock star d’après ses dires. Et si les sonorités aux multiples influences de son dernier album Janky Star sont résolument pop, sa présence scénique n’a rien à envier à celle des figures du rock. À travers ses textes introspectifs, Grace Ives aborde le désir d’échapper à la réalité tout en essayant de trouver une certaine forme de stabilité dans un monde en constante agitation. La foule se presse rue des Taillandiers pour voir cette jeune artiste programmée aux Disquaires à l’occasion du festival, à tel point qu’il sera malheureusement difficile de l’apercevoir sur scène.