Unis comme les Trois Mousquetaires, les quatre jeunes rockeurs du groupe franco-britannique The Odds sortent leur premier single sous le parrainage du musicien Yarol Poupaud. Le rock est de retour !
Quand sa tante, la batteuse du quatuor rock britannique Electrelane, lui a offert sa Telecaster noire et blanche, Tarka a su qu’il lui faudrait être à la hauteur de ce précieux legs. “Promets-moi de la garder toute ta vie”, lui a demandé la belle Emma Gaze, une des nombreuses sœurs de sa mère mannequin. Le Franco-Britannique, avec ses brunes et son profil tracé comme un écho à la grâce du chanteur Michael Hutchence d’INXS, a aussitôt quitté ses études dans l’événementiel à Brighton, le fief de sa famille. Le fils du photographe Louis Décamps n’attendait que cette occasion pour explorer une vocation que sa tante avait su déceler avant lui. “Je me suis dit que je me donnerais à fond pendant un an ou deux et que, si ça ne marchait pas, eh bien, je me rattraperais derrière”, relate le jeune chanteur et guitariste du quatuor The Odds.
C’était il y a un an et demi. Alors que la planète est confinée de toute part, il faut bien dire que “what can a poor boy do, except to sing for a rock’n’roll band”, comme le chantait Mick Jagger quand il était encore loin de s’imaginer qu’il aurait un jour 40 ans. “Effectivement, c’était l’enfer. On passait nos journées derrière un ordinateur à suivre les cours. La musique nous paraissait la seule manière de nous évader”, complète César, 21 ans lui aussi. Le chanteur et guitariste de The Odds n’a pas arrêté ses études. Après deux ans de prépa en France, ce garçon coloré comme David Bowie période style orangé de 1974 s’est lancé à Londres dans des études d’ingénieur en mécanique. Julien, le batteur, aussi brun que Cat Stevens, vient quant à lui de finir un master en mathématiques à l’université d’Exeter, dans le comté de Devon, dans le sud-ouest de l’Angleterre. Il y a quelques semaines, Tim, de deux ans leur aîné, a rejoint les trois piliers du groupe à la guitare basse. Lui étudie les solos de Miles Davis dans une école de jazz à Paris mais entre Bitches Brew et Herbie Hancock dans sa période funk, il écoute aussi Bérurier Noir. “C’était évident, on était dans le même cercle d’amis et aujourd’hui on se demande pourquoi on n’y avait pas pensé avant. C’est un super pote et un super musicien.” Ainsi, les voici comme les Trois Mousquetaires qui étaient quatre mais ne connaissaient pas un accord de guitare.
Ils jouent du rock aux saillances punk. C’est bien la moindre des choses quand on est né l’année où les Strokes ont fait le grand ménage chez les pousse-boutons de la musique électronique en ramenant les guitares au premier plan avec la bombe Is This It. “Dans notre entourage, 70 % des jeunes font de l’urbain. On a beaucoup écouté de rap, mais le rock c’est une autre affaire : l’énergie, l’interaction avec le public passe par de vrais instruments”, énoncent-ils d’une même voix. Sur ce point et bien d’autres, Yarol Poupaud ne les contredirait pas. L’oncle de la copine de Tarka, qui fut accessoirement pilier de l’immarcescible FFF avant de devenir directeur musical de Johnny Hallyday, s’est peut-être ému de se revoir dans ces boucles brunes qu’il ne se résoudra pour sa part jamais à couper tant que le rêve du rock’n’roll perdurera. Yarol Poupaud lui a, lui aussi, acheté une guitare, une Takamine, pour poser les premières pierres des accords barrés. “On a la chance d’avoir des gens expérimentés et bienveillants à nos côtés”, remercie Tarka. Le grand frère de Melvil Poupaud leur a ouvert les portes de son studio dans le Sud-Ouest, où ils ont posé leurs premières lignes de guitare sur le titre What are the Odds ? et, ce même été 2020, ils ont croisé la route de l’artiste Victor Mechanick qui les a chaperonnés. Un duo a même été enregistré avec Tarka, My Days in the Sunshine.
Qu’est-ce qui fait tant le charme de cette voix désespérément cool ? Ses graves légèrement en laid-back qui contrastent avec l’impétuosité de guitares en lignes claires. Lestée de chœurs courtois, la chanson What are the Odds ?, profitant de l’efficace production de Yarol Poupaud, révèle la limpidité d’images évoluant sur une trame entre Television et Lou Reed période Coney Island Baby. “Just like in Lennon’s song, everything can happen in a day” chante Tarka : fraîcheur d’une vie pleine de promesses quand elle s’annonce sous les rayons d’une lune jamais si sérieuse que quand il s’agit d’accompagner les premiers émois. “Côté lyrics, on n’a pas encore trop poussé, on est encore aux “baby I love you” des Beatles à leurs débuts”, relativisent les garçons face aux éloges. On continue. Deuxième titre, Wiss, acronyme de “What is she saying”, une histoire de gars qui jouent trop fort pour entendre ce que leurs copines ont à leur dire. Pour se consoler, on pourra se dire que leurs copines sont les meilleures amies du monde, comme eux, aussi liés que les doigts du guitariste. Pour leur troisième titre, Bull Eyes, ils ont choisi de se faire plus narratifs, façon Renaud de Laisse Béton, à propos d’un type qui jalouse de travers en découvrant un groupe de jeunes sur scène dans un bar. Qui voit rouge s’y pique.
Bien avant de jouer ensemble, ils jouaient déjà ensemble. Ils se sont rencontrés à l’âge de 7 ans dans une cour d’école, rue Blanche. Une balle en mousse, le premier coup de pied de l’un et la partie commence. Depuis lors, ils semblent n’avoir jamais cessé de s’échanger la balle, se projetant déjà sanglés sur grand écran avec le jeu vidéo Guitar Hero. “Finalement, tous nos chemins nous menaient à la musique”, estiment-ils, quinze ans plus tard. Ils accueillaient avec un même appétit l’éclectisme d’un autre temps, citant pêle-mêle parmi leurs goûts Led Zeppelin, Dire Straits (Money for Nothing), Supertramp, REM (ah, Losing My Religion !), The Clash, les génies versaillais de Phoenix, The Arctic Monkeys et même Téléphone, dont ils ambitionnent de reprendre le succès de 1980 Argent trop cher. “Cette chanson, basée sur des variations en la, déchire chez ce groupe qui a su s’imposer dans un esprit rock en français. Mais va falloir répéter, pas facile à jouer !”
Ils ont tendu des draps, installé des néons, branché leurs amplis et leurs cartes-son et ont commencé à répéter dans la cave des parents de César. “C’est mon père qui l’a dénichée dans l’immeuble et a commencé à l’aménager pour y installer ses guitares. C’est un fan de Frank Zappa, il connaît l’instrument comme sa poche. Pour l’anecdote, il s’est même rendu à son hôtel pour lui offrir une guitare qu’il avait fabriquée à son attention. Pour le remercier, Zappa lui a donné en échange la partition d’une chanson qu’il n’avait jamais jouée. Je crois que mon père rêvait de devenir musicien. Dans sa cave, il nous a laissé toutes ses guitares, une Gibson Les Paul, une Ibanez George Benson, une Stratocaster Squier et une Gibson SG. Mais celle-ci, interdiction d’y toucher. Elle appartenait à son meilleur ami qui est malheureusement mort. C’est le seul objet qui lui reste de lui.”
Au printemps 2020, César et Tarka se sont souvenus que, encouragés par le père du premier, ils avaient joué de la guitare ensemble avant de se tourner vers le rap. Maintenant, c’est du sérieux. Si l’on prête une oreille, on peut les entendre depuis la rue, le son de la batterie et des guitares s’échappant du soupirail. Toute l’après-midi, enfermés dans un espace aussi intime que leur amitié, ils s’exercent comme l’ont fait tous les jeunes groupes avant d’affronter le grand bain. Ils savent que le compte à rebours est enclenché puisque le 10 décembre, ils se produiront au Bus Palladium. Ils y joueront huit, neuf morceaux. À l’arrache, mais confiants. Au fait, The Odds, ça se traduit par “les possibilités”.