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DILARA FINDIKOGLU

VICTORIANA

Par LAURENT DOMBROWICZ

Des podiums au musée, en passant par les blockbusters, le gothique victorien connaît un nouvel âge d’or. Ou plutôt un nouvel âge noir.

Jadis considéré comme un genre mineur, voire strictement underground, le gothique connaît désormais un succès mainstream en se réinventant sans cesse. La référence aux auteurs clé, en particulier Mary Shelley, Bram Stocker et Ann Radcliffe ainsi qu’à leurs personnages n’a jamais été aussi omniprésente qu’aujourd’hui. Au-delà de ces grands noms de la littérature anglaise du XIXè siècle, ce qui est célébré aujourd’hui c’est un certain romantisme dark qui puise ses racines dans le Moyen-Âge et qui unit dans un même élan poésie, surnaturel et découvertes scientifiques. Le style victorien, c’est aussi le contraste entre une époque prude, voire pudibonde, et les éclats violents ou scandaleux qui parcourent la société et les faits divers. Tout cela se conjugue le plus souvent en noir, parfois en noir et blanc, dans une dimension échevelée et dramatique. Dûment corseté, le gothique victorien se pare de jais, de dentelles et de nobles frou-frous comme l’ont fait récemment Chanel et Dior pourtant largement considérés comme les bastions d’une élégance à la française. Si on trouve également des traces de cette inclination pour le victorien dans des collections italiennes, et notamment chez Max Mara où le directeur artistique Ian Griffiths s’inspire de la vie et de l’œuvre des sœurs Brontë, c’est avant tout à Londres qu’elle est le plus manifeste. Chez McQueen tout d’abord, où le jeune Irlandais Sean McGirr ne lésine pas sur les effets pour renouer avec les origines dramatiques de la marque et sa sombre splendeur. L’Anglo-turque Dilara Findikoglu n’a jamais caché son admiration pour Alexander McQueen, en particulier ses exploits couture où l’artisanat sublimait le morbide. Avec sa propre griffe, la créatrice transporte le gothique dans un univers féministe, théâtral, où la violence n’est jamais tout à fait exclue. Il n’y a strictement aucun hasard si le cinéma, Netflix et les autres plateformes de streaming versent abondamment dans le gothique ces dernières années, emmenés par les spécialistes du genre que sont Tim Burton et Robert Eggers dont la récente relecture de Nosferatu est à elle seule une véritable masterclass. Le Dracula de Luc Besson, avec Caleb Landry Jones dans le rôle-titre, est d’ailleurs annoncé pour la fin de cette année. « Gothiques », c’est aussi le titre de l’exposition qui sera inaugurée le 24 septembre 2025 au Louvre Lens et qui retracera huit cents ans d’histoire, des bâtisseurs de cathédrales à la contre-culture en passant par quelques grands noms de l’art contemporain. Oh my goth !