Si cette chronique avait prévu de débuter son week-end par un éloge du stand Nespresso, panic room du Palais des festivals qui, en quatrième jour, n’accueille déjà plus que des carcasses de cinéphiles que la caféine saisit à peine, la découverte de bon matin de l’existence des Pawards, « la cérémonie qui célèbre les animaux pour leurs rôles marquants à l’écran », alors que nous évoquions dans ces pages hier l’injustice crasse faite aux félins en termes de récompenses, réveille en nous un délicieux sentiment de mégalomanie. Tout comme une forme de paranoïa, de bon aloi après la projection officielle d’Eddington, en soirée, la nouvelle déglinguerie d’Ari Aster – cet inflammable distributeur à cauchemars. Face-à-face vitaminé entre le shérif d’une petite ville du Nouveau-Mexique et son maire, ce western ultra-connecté – les produits Meta y sont constamment (solli)cités – et filmé comme un trip sous temps d’écran quotidien supérieur à 9h, est finalement d’une clairvoyance presque banale sur nos détresses contemporaines. S’y percutent pêle-mêle théorie du complot, racisme décomplexé, militantisme claqué au sol, dérives sectaires… Tout pour s’offrir un city break all inclusive de qualité, en somme, aux côtés de Joaquin Phoenix – dont l’inouïe proposition de jeu égale sa performance dans l’hallu Beau is Afraid du même Ari Aster (2023) –, notre queen d’entre les reines Pedro Pascal, Emma Stone et Austin Butler, flippant sa mère. Bref, une excellente façon de mettre à l’épreuve son attention span diminué, le tout toujours en Compétition (le film, comme la concentration).
Sortis tout ébaubis de La petite dernière, le très attendu troisième long de Hafsia Herzi, adapté du roman de Fatima Daas, les cool kids (comprendre les journalos, travailleurs de festivals et équipes de salles de ciné indé) se sont retrouvés à la soirée de l’Acid, traditionnellement emmenée par un DJ Hobbs dont la vaillance laisse à supposer qu’il est, depuis le temps, au fait du bon plan cantoche de pré-soirée, à savoir le risotto crémeux servi à l’apéro Swiss Films. L’occasion de célébrer la venue à l’écran de Laurent dans le vent du trio Anton Balekdjian, Léo Couture et Mattéo Eustachon, mistral bienvenu après deux heures chez Aride Aster. Un film qui trace sa route dans une forme très libre, à l’écoute d’une humeur qui change et d’une météo qui varie. Du cinéma de vitale décroissance qui assume ses aspérités, quand les badauds au bar de la fiesta assument, eux, complètement leur toxicité ascendante. Vautrés sur le zinc, en elbow-spreading, à réclamer une binche que le barman, d’une patience vénérable, ne souhaite plus leur offrir, ces pique-assiettes de première n’ont pas dû faire montre d’une assiduité folle à la formation obligatoire aux violences sexistes et sexuelles du CNC. Après un bain de postillons à la Ninkasi (qu’on nous présente comme une bière japonaise alors qu’il s’agit d’une brasserie lyonnaise, mais houblon partout, justice nulle part, tu connais) et une tentative de séduction à l’allumette – goodie officiel de Que ma volonté soit faite, incandescent second long de Julia Kowalski présenté à la Quinzaine – de la part des distrib’ du film, on rate Damso à la soirée Meta, Kristen Stewart, cette thug en Chanel, à la projection de son premier long au Certain Regard, mais certainement pas l’occasion de se plaindre du manque criant, en soirée, en salle, sur la Croisette, d’affichage, de signalétique et de personnes ressources dédiés à la prévention du harcèlement et des violences. Car le 06 de la facialiste de Binoche, c’est bien, celui de la Cellule d’écoute Audiens, c’est mieux 01 87 20 30 90.