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Jour2Fête

QUI QUI QUI SONT LES GOLRI ?

Par LAURA PERTUY

Miramar, siège(s) de la Semaine de la Critique, en rire libre ce dimanche matin pour la projection de Nino, premier long de Pauline Loquès qui traverse le drame par l’absurde, avec dans le rôle-titre l’acteur québécois Théodore Pellerin, dont la figure rêveuse sied si bien à l’errance parisienne. Et plus encore à la vertigineuse, si cinégénique, rue de Belleville, où la moitié des films français présentés cette année semblent avoir été tournés. Difficile de savoir si nos voisins de rangée spéculaient sur le prix d’un T3 installé à juste distance du nouveau banger de raviolis chinois ou s’ils tentaient de se dépêtrer d’une brouille longue durée ; n’en reste que jamais bavardages décomplexés n’avaient été si magistralement entrepris dans une salle pourtant accrochée aux quatre jours qui séparent Nino de son destin, et à tout ce que le jeune homme dépose de vie dans l’intervalle. Peut-être pourrait-on établir la qualité d’un film ainsi : sous l’empirique résistance démontrée à l’aimer, envers et malgré la constellation de portables scrollant du vide dans l’obscurité et l’indécence de sales gosses hilares face à la maladie d’un personnage auprès duquel on s’est immédiatement assis. 

C’est encore à la Semaine que l’on s’est pris un second coup dans le cœur, déjà en assistant à l’attendrissant discours d’introduction de la séance spéciale de courts métrages, délivré par Ava Cahen, sa déléguée générale, et Léo Ortuno, coordinateur de la programmation, où transpirait la nécessité d’un espace offert au rêve et à la liberté. Quand Une fugue, peinture animée d’Agnès Patron (césarisée en 2021), s’aventure dans les clairières de l’enfance, sans voix mais sous les grandioses respirations composées par Pierre Oberkampf, No Skate! confirme le talent de Guil Sela à traduire l’extraordinaire mouvement de la ville, dans la relation naissante, et désopilante, entre deux jeunes embauchés pour promouvoir la baignade dans la Seine pendant les J.O. Notre it bag Hulala aura, lui (et comme on le comprend…), cédé aux avances de la Méditerranée, venue d’une vague rafraîchir son upcycling de qualité. Et manquer d’embarquer l’emballage d’un sorbet mojito dont les 2% d’alcool auront suffi à enivrer le reste de neurones traînés à la séance nocturne de la Quinzaine, après un détour ensablé au Jardin Sacem, où Kid Francescoli donnait joliment de sa mélancolie électronique.

Déception, enfin, que le prometteur Amour apocalypse, sixième long de la québécoise Anne Émond, où le rire perd bientôt de son allant au contact de personnages unidimensionnels, malgré l’indéniable éclat de Gobelet et Cannelle, deux des chiens du chenil dont s’occupe le héros. Le chant des baleines diffusé en avant-séance pour installer l’étrangeté proclamée du film aurait dû nous mettre sur la piste, mais la perspective de passer deux heures dans les abysses, au creux de ce Théâtre Croisette récalcitrant à la 5G, était bien trop exquise. Si d’aucunes, robustes dans l’épreuve, ont trouvé la nonchalance de se présenter en retard à une séance de 22h aux Arcades (les vrais savent), nous avons traîné nos guêtres encore iodées devant la plage Annex où se tenait la distinguée soirée Roberto Cavalli. Clairement pas sapée pour shiner, ni pour rien chiner d’ailleurs, mais dans un fomo d’enfer à l’idée de ne pas pouvoir chourrer de la bougie parfumée, c’est le sommeil qui nous a trouvée.