La deuxième semaine est sur nous et de premiers évanouissements ont divisé le Grand Théâtre Lumière – venu découvrir Alpha de Julia Ducournau (lauréate de la Palme d’or pour Titane en 2021) – en deux camps irréconciliables, le malaise d’un co-spectateur n’étant apparemment pas source suffisante d’inquiétude chez certains pour lâcher un instant leurs écrans des yeux, des mains, du cœur. D’autant plus s’agissant de cette exemplaire plantade en Compétition, boucle maligne et m’as-tu-vue sur les années sida qui fait mine d’ausculter d’infinies solitudes à grandes rasades de séquences musicales ultra démonstratives. Passé le bon gros chèque à la Sacem, avec un montant qui doit d’ailleurs côtoyer la boulimie mélomane de L’Amour ouf, le film parvient tout de même à nous laisser exsangue, une gageure quand on voit les hectolitres d’hémoglobine gaspillés pour sa conception. C’était bien la peine de s’être essayée, une fois n’est pas amertume, au café de spécialité dans un shop en ville, à 6 euros les 30 minutes d’attente, pour garder bonne allure lors de cette projection tant attendue, et de se payer les jérémiades de deux clientes réclamant compensation pour une sombre histoire de triple shot d’expresso disparu dans un nuage de mauvaise foi lactée.
Une septième journée fort heureusement rattrapée par le discours des frères palestiniens Tarzan et Arab Nasser lors de la présentation de leur Once Upon A Time in Gaza au Certain Regard. S’y est dit frontalement l’effroi de voir la figure de la photo-journaliste Fatima Hassouna portée aux nues lors du festival sans pour autant qu’aucune décision des hautes sphères politiques ne vienne mettre un terme au génocide en cours. Et l’arrivée en Compétition des Aigles de la République, dernier volet de la « Trilogie du Caire » imaginée par Tarik Saleh, de dézinguer en plans larges les élites et leur silence complice. Moins maîtrisé que sa fulgurante Conspiration du Caire, Prix du scénario en 2022, la sixième fiction du réalisateur suédois d’origine égyptienne excelle tout de même à raconter le réel dans une mise en abyme glaçante, où George Fahmy, immense vedette de cinéma (campé en pleine grâce par Fares Fares) se retrouve contraint de collaborer avec le régime pour sauver ses proches. Une lutte à corps perdu qui aura littéralement tutoyé, puisqu’advenue à quelques dizaines de mètres de là seulement, celle qui se jouait hier au bureau de presse afin de récupérer une invit’ pour le traditionnel aïoli du maire. Difficile cependant, et ce malgré nos trois comptes à découvert, d’aller se tartiner de la poissonnade à l’œil chez Les Républicains, après ces deux séances pas franchement alignées avec la profession de foi de l’élu.
Finale réjouissance avant extinction des yeux, notre vilaine fille Riri a encore plié le game en assurant, en pleine troisième grossesse, le dénivelé du tapis rouge oklm, dans une robe turquoise à col américain Alaïa, à l’occasion de la présentation hors compétition de Highest 2 Lowest, thriller psychologique de Spike Lee, dans lequel s’illustre son compagnon A$AP Rocky. Une street cred qui n’aura manifestement pas essaimée chez certains de nos comparses de la file last minute, venus monter les marches en bermuda et refoulés sans plus de ménagement.