Sur les hauteurs de Montreuil, la maison de Jacques Brissot recèle un fabuleux bestiaire humain inspiré par les maîtres de la peinture flamande. Un joyeux pandémonium qui reflète rêves et cauchemars de notre époque.
Tel l’Aga Khan qui prélève son poids en or sur la masse de ses sujets, je récolte chaque année, depuis un demi-siècle, mon poids en images dans les magazines qui passent à ma portée. Je trie ces photos pour y traquer les traces de la folie et de l’injustice du monde, faisant ainsi sur le tas l’apprentissage de la ‘Civilisation de l’image’.” C’est en ces termes que Jacques Brissot résumait, quelque temps avant de disparaître en 2020, l’inlassable travail de création auquel il s’est adonné durant près de cinquante ans. À l’abri des regards, sa maison-atelier, qu’occupe aujourd’hui son épouse Évelyne, porte encore les marques de cet artiste iconoclaste. Vu depuis la rue, rien ne laisse présager l’existence d’un tel trésor. C’est seulement une fois franchie la porte d’un banal garage qu’il est possible de mesurer l’ampleur de l’oeuvre de Brissot. Dissimulé derrière une façade envahie de vigne vierge, son atelier semble encore habité par la présence de son défunt propriétaire, comme si celui-ci pouvait à tout instant venir reprendre son travail laissé en suspens. Poupées désarticulées, jouets chinés sur les vide-greniers, magazines prêts à être découpés : Brissot mettait un point d’honneur à donner une seconde vie aux objets du quotidien en les mettant en scène dans ses créations.
Né en 1929, Brissot nourrit très tôt le rêve de devenir artiste. Dans les années 1960, il embrasse brièvement une carrière de réalisateur aux côtés de Pierre Schaeffer et produit plusieurs films expérimentaux pour le compte du prestigieux Service de recherche de la Radiodiffusion-télévision française. En l’amenant à manipuler quotidiennement l’image et le son, cette expérience éveille en lui le désir d’assouvir d’autres envies picturales, à une époque où le secteur audiovisuel connaît une expansion sans précédent.
*Cet article est issu de notre numéro de printemps 2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*