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Puma - Speedcat ballet

LA BALLERINE : FIN DE PURGATOIRE EN VUE ?

Par LAURENT DOMBROWICZ

Adorée, tolérée puis détestée, la plus plate des chaussures ferait-elle (enfin) son grand retour ? Tous les signaux – ou presque- sont au vert. Au rose poudré pour être plus exact. 

Lorsque le peintre aristocrate Edgar Degas commence à peindre des danseuses dans les années 1870, il tient avant tout à montrer de (très) jeunes filles au travail, loin de toute approche « glamourisante ». Le scandale arrive avec sa sculpture La petite danseuse qui dépeint une profession à peine plus tolérable que la prostitution pour la bourgeoisie de l’époque. Sa relation supposée avec son modèle, le petit rat Marie Geneviève Van Goethem âgée de 14 ans, ne fait que jeter de l’huile sur le feu. Mais ça y est, les ballerines sont à la mode, avec leurs charmants tutus et leurs chaussons de danse…qui n’ont pas encore véritablement de nom. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la styliste d’origine italienne Rose Repetto, aidée par son fils chorégraphe Roland Petit, met au point une chaussure plate inspirée du chausson de danse (les fameuses « pointes ») portables en dehors de la scène, grâce à la technique révolutionnaire du cousu-retourné. Le succès est quasi immédiat et dépasse rapidement le milieu de la danse grâce à un confort inédit et les images de Brigitte Bardot dans Et Dieu créa la femme qui font le tour du monde en 1956. Après BB ce sera Zizi Jeanmaire puis Serge Gainsbourg qui feront de Repetto une référence absolue, bien avant les succès de Black Swan et de Danse avec les stars. Au début des années 80, c’est Karl Lagerfeld qui s’empare du sujet en l’appliquant aux codes de Chanel : matelassage et déclinaisons bicolores. La styliste Carlyne Cerf de Dudzeele, complice du Kaiser dans ces glorieuses années Chanel, en possède d’ailleurs une collection tutti frutti impressionnante. Devenue tendance, la ballerine conquiert peu ou prou toutes les professions, rentre au bureau dans le métro et la salle des profs, souvent sur un bas opaque, un pied trop fort ou un mollet trop épais. De populaire à ringarde, la chute est lente mais inexorable. Ce purgatoire dure donc depuis plus de trente ans suscitant même des groupes anti-ballerines sur les réseaux sociaux ! 2025 pourrait bien être une année charnière pour le ballet core, tant la ballerine (la danseuse ET la chaussure) envahit les mood boards et les collections. Pour Ferragamo, le tout juste trentenaire Maximilian Davis y consacre toute la collection printemps/été 2025. C’est aussi le cas pour le jeune Français Alain Paul, finaliste du prix LVMH et ancien membre de la troupe La Horde de l’Opéra de Marseille qui en fait une chaussure mixte et urbaine nomméeMerce, en hommage au danseur/chorégraphe américain Merce Cunningham. Comme le fit Chanel dans les années 80, la Maison Margiela adapte désormais la ballerine à son icône maison, la célèbre Tabi à orteil séparé. Loin de se cantonner aux podiums et aux leaders de la création, la ballerine séduit également les marques généralistes ou sportives : de Camper à Puma, de Nike à Lanvin, cette ultraplate semble avoir de nouveau une longueur d’avance.