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Chapeau Gemini, Stephen Jones, collection Automne-Hiver 1990-1991, présenté au Palais Galliera

ILLUSIONS

Par LAURENT DOMBROWICZ

Pour son centième anniversaire, le surréalisme s’offre un nouveau flirt mode.

Comme toutes les révolutions, celle du mouvement surréaliste se fit avec style et parfois avec panache.

Depuis 1925, le compagnonnage qu’il entretient avec la mode évoque une relation de couple. Une intimité incendiaire puis de longues périodes de silence entrecoupées de brèves fulgurances. Redynamisé par l’actualité – le centenaire en question – et par les succès récents de Schiaparelli, les amants remettent le couvert.

Sur les ruines du dadaïsme, les pionniers fondateurs que furent Breton, Eluard et Aragon n’étaient pas des mordus de chiffon, loin s’en faut, théorisant avant tout leur art autour du travail de Freud. Rêves et métaphores, déplacements d’idées et d’objets, illusions diverses, corps morcelés ou reconstitués avaient pourtant tout pour séduire cou-turiers, artisans et autres auteurs de mode, puisqu’à cette époque on ne parlait pas de créateurs.

Le vêtement comme sujet est au cœur d’œuvres surréalistes majeures, notamment chez René Magritte, mais aussi chez Max Ernst qui réalise en 1920 un collage nommé Le chapeau fait l’homme. Ce sont pourtant d’autres artistes et en particulier ce fameux Ernst et Man Ray qui vont attirer le milieu de la mode parisienne et susciter même après-guerre de nombreuses relectures dites surréalistes comme le fit Karl Lagerfeld pour Chloé en 1983 avec une robe-guitare. Mais la véritable spécialiste, la reine de la collab’ avant l’heure, c’est Elsa Schiaparelli qui enflamme les esprits dans les années 1930. À l’opposé du rigorisme chic de Coco Chanel qui la craint et la méprise, son style est flamboyant et avant-gardiste. “Fun”, dirait-on aujourd’hui. Elle conquiert rapidement de nombreuses clientes du tout-Paris et, dans leur sillage, des artistes qui partagent son univers maxi-maliste. Les vêtements, motifs, broderies et accessoires qu’elle conçoit avec Jean Cocteau et Salvador Dali sont encore aujourd’hui considérés comme ico-niques. Les éléments de visage, très prisés par les artistes surréa-listes, sont aujourd’hui au centre du dispositif créatif mis en place par Daniel Roseberry, le Texan en charge des collections Schiaparelli depuis 2019. Les bijoux et les sacs de la griffe sont particulièrement prisés, comme le furent en leur temps ceux créés par Jean Schlumberger (avant ses années new-yorkaises chez Tiffany & Co) et Hubert de Givenchy pour la grande Elsa.

*Cet article est issu de notre numéro de printemps 2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*