Réveillée – sans s’être vraiment jamais couchée – par une pluie torrentielle, certainement descendue abreuver nos âmes asséchées par les errances filmiques relatées au jour 7, il nous a fallu réfléchir à une tenue de circonstance afin de rejoindre au dehors ne serait-ce qu’une benne où jeter notre carcasse décharnée de fatigue. La basket à semelle orthopédique, promesse d’un insupportable squishy squishy aquatique tout le jour durant, n’étant pas une option viable, enfilage en douleur de méduses parme à talons, d’un K-Way assorti, sur sportswear dans lequel se contorsionner paisiblement en salle Debussy. Puis, second vrai déjeuner de ce festival à être savouré en plus de 9 min montre en main – mais qui, à Cannes, a le temps de retirer sa montre pour contempler le temps qui inexorablement s’écoule, quand des critiques entières sont rédigées au dictaphone sur un trajet Miramar-Théâtre Croisette ? Avec le retour du soleil, et d’un timide sentiment de transpi se développant toutefois amoureusement dans ce fameux K-Way, comment résister à l’appel d’un 28efilm à découvrir, auprès d’un nouveau siège et depuis un angle de vue inédit ? Souvenir ému et fugace d’une remarquable expérience de strapontin la veille, réceptacle des gigoteries collatérales de notre voisin, pourtant déjà bénéficiaire d’un siège beaucoup plus dodu. Eh bien, résister, il aurait certainement fallu, d’autant que se tenait au même moment le cocktail du Collectif 50/50 (dont la rédactrice de ces lignes est administratrice, Ndlr) et le dévoilement d’un outil inédit d’évaluation des niveaux de représentativité et d’inclusion au sein des films.
Mais, fanatique du travail de Rebecca Zlotowski (Les Enfants des autres, Une fille facile…) et devant une certaine obligation à nourrir cette chronique de fulgurances cinéphiles, tout autant qu’ayant exposé ici même les aventures de miséricordieux spectateurs mal fagotés, le choix fut fait de tenter la file last minute d’Une vie privée, dernier film de notre idole au flamboyant casting. C’est à quelques mètres de retrouver Jodie Foster à l’écran, lové dans un Grand Théâtre Lumière sapé comme jaja, donc, que nous nous trouvions quand vint frapper l’orage. D’une douane vestimentaire imperturbable, s’entend. Qui, en quinze ans de festival, se presse encore au portillon des soirées de gala avec un tote bag ? Lui, cet élément perturbateur enfant d’une longue liste reçue en amont de la manifestation que nos yeux choisissent souvent d’ignorer, les projections officielles n’étant pas l’apanage des pigistes, contraints de voir les films en première séance pour espérer vendre une critique au plus offrant puis de la rédiger avant même que les nantis ne soient sortis de projection, leurs habits de lumière à peine froissés par une assise de luxe. En une foulée saluée par nos pairs (non), direction la consigne du festival, dissimulée à l’autre bout de la vie entre un essaim de yachts forteresses et le parking où s’engouffrent les berlines essorées par les stars du tapis rouge. Quelle guillerette équipe regroupée dans ce pré-fab’ où un monsieur tentait, à notre délicate arrivée, de mettre au vestiaire un miroir à pied, tandis qu’un autre venait de déposer en garde son menu Big Mac. Retour à l’envoyeur (comprendre la file last minute), dans l’ébouriffante tenue enfilée le matin même, pour se voir à nouveau recal’ pour dress code non respecté.
Que rattraper de cette journée où devaient initialement s’aligner sous nos yeux les planètes lesbiennes ? Le Palais des festivals accueillait, en effet, dans l’allégresse l’enquête loufoque menée par Jodie Foster citée plus haut, le second long d’Anna Cazenave-Cambet, Love Me Tender, adaptation du roman de Constance Debré assortie d’une hype on vous dit même pas, et Fuori, biopic sur l’auteure italienne bisexuelle Goliarda Sapienza (responsable de L’Art de la joie, et on lui en sait fichtrement gré) concocté par Mario Martone. Dans un dialogue (littéralement) limpide avec la météo cannoise, il nous a fallu trouver accoutrement plus auguste – et sur ce point Sessùn nous sauve toujours la mise –, se délecter du halloumi special du chef au Goût du Liban, puis s’émouvoir devant La vie après Siham, documentaire présenté à l’ACID dans lequel Namir Abdel Messeeh se répare de la disparition de sa mère en enquêtant sur l’histoire de ses parents, originaires d’Égypte. Puis, le cœur ouvert, profiter de la fraîcheur d’une rue d’Antibes déserte et enfin remettre les pieds au Vertigo, haut lieu des afters queer situé en bord de périph’, non loin des meilleures tavernes à panini, et constamment en alerte incendie – tant parce qu’il y est permis de fumer dans tous les espaces que pour son line-up d’un suave à crever. S’y déclinait hier soir la liste de nos désirs mélomanes en d’intenses DJ sets délivrés par Ji-Min Park et Parfait.