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Apache is a nuisance for Paris, illustration from 'Le Petit Journal', supplement illustre, 20th October 1907 (colour litho) by French School, (20th century); Private Collection; (add.info.: Apache is the wound of Paris;); French, out of copyright.

FORTS APACHES

Par JUDITH PRIGENT

Il y a plus d’un siècle, à Paris, un clan d’individus très peu recommandables terrorisait les honnêtes gens. Mais toujours avec style et panache.

Deffe vissée de biais sur une chevelureen “botte de mouron”, foulard rouge au cou, veste de lustrine noire ou bourgeron bleu, chemise de coton fripé ou tricot rayé, pantalon à pattes d’éléphant, large ceinture de feutre, souliers cirés, bijoux précieux ou pacotille : voici l’uniforme de l’Apache. Ces bandes de voyous sanguinaires ont terrorisé le Paris de la Belle-Époque par divers crimes et larcins largement relayés par la presse à scandale, et très bien racontés aujourd’hui par Jérémy Tessier dans son livre Les Apaches de Paris. Ce sont les récits de conquêtes américaines et les exploits de William Frederick Cody narrés dans son Buffalo Bill’s Wild West Show qui ont soufflé ce surnom. Difficile aujourd’hui de savoir si c’est l’idée d’un journaliste inspiré ou d’un préfet de police poète mais les principaux concernés s’en sont vite emparés. Dans la bouche des bourgeois, le mot “apache” prend une connotation péjorative (sauvages, assassins), mais les marginaux y voient l’évocation d’une grande liberté de mœurs et d’esprit. 

Apparus vers 1880, les premiers Apaches étaient ceux de la bande de Belleville, avant que le nom désigne globalement toutes les bandes organisées par quartiers faites de voleurs, proxénètes, prostituées et filous en tous genres, dirigées par des hommes aussi bien que par des femmes, dont je ne résiste pas à partager ici un florilège : les Cœurs d’acier de Saint-Ouen, les Costauds de la Villette, les Saute-aux-pattes de la Glacière ou encore les Demi-Siphons de Ménilmuche. Difficile de l’imaginer avec nos yeux contemporains, mais ces sobriquets comiques, lus dans le journal, faisaient trembler et fantasmer les honnêtes gens, comme le décrit Proust dans Le Temps retrouvé : “Inversement, Jupien sentait que ce n’était pas encore assez de présenter à M. de Charlus un garçon laitier. Il lui murmurait en clignant de l’œil : il est garçon laitier mais au fond c’est surtout un des plus dangereux apaches de Belleville (il fallait voir le ton grivois dont Jupien disait ‘apache’). Et comme si ces références ne suffisaient pas, il tâchait d’ajouter quelques ‘citations’. Il a été condamné plusieurs fois pour vol et cambriolage de villas, il a été à Fresnes pour s’être battu (même air grivois) avec des passants qu’il a à moitié estropiés et il a été au bat. d’Af. Il a tué son sergent.”

*Cet article est issu de notre numéro de Printemps 2024. Pour le lire dans son intégralité, vous pouvez vous procurer votre exemplaire en kiosque ou sur le site. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*