×

CHEF DE PRODUITS

Par ÉMILIE LAYSTARY. Illustration PAR MARIA CONTRERAS

Les cuisiniers chassent et courent après le naturel. Les produits bruts, qui reviennent au galop, sont la promesse d’un bout de nature à croquer.

Là où le blé pousse, du pain se fabrique. Et là où le pain s’est fabriqué sont nés les premiers villages. Car ce sont bien avec les prémices de notre agriculture que sont apparues celles de notre humanité. Mais que seraient les céréales sans notre capacité à les transformer ? À propos du rapport écologique que notre humanité entretient à son environnement, le géographe Paul Claval fait remarquer : “Les produits qu’offrent la nature sont pour la plupart impropres à la consommation. L’homme a donc imaginé une gamme variée de techniques pour produire en abondance des denrées qu’il puisse ingérer, et pour les rendre appétissantes.” Notre alimentation est le lieu de ce paradoxe : c’est entre nature et culture que se fixe notre survie. Une ambivalence qui, dans notre société, s’observe de mille manières.

Tenez, par exemple, depuis quelques années, un vent tout droit venu des potagers semble souffler dans les fourneaux des restaurants les plus courus de nos grandes villes. Il répond au nom de “cuisine de produits”. Le petit monde de la bistronomie ne jure que par lui et, par “produits”, il entend bien sûr, bons produits. Fini les sauces nappantes, sabayons étouffants et autres condiments trop tapageurs ; l’heure est à la “lisibilité”, c’est-à-dire au faible interventionnisme culinaire revendiqué. À l’heure du dérèglement climatique et de la société de surconsommation, l’idée de naturalité – au sens de ce qui est seul produit par la nature – se voit plus que jamais remise au goût du jour. On la retrouve dans la mode de l’assiette à partager, souvent centrée sur un bel ingrédient vanté comme très bien sélectionné et presque pas retouché en cuisine. Par ici, donc, des asperges vertes (oui, mais agrémentées de poutargue râpée), une aubergine (oui, mais brûlée au miso), un pâtisson (oui, mais servi avec un jaune d’œuf confit).

 *Cet article est issu de notre numéro d’Automne 2024. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*