Ces paysages lunaires qui jalonnent la Terre sont autant de versions réduites et fantasmées de notre satellite. Pour vous acclimater au huitième continent, douze rêveries métaphysiques.
LE MONT VENTOUX
Ce pierrier calcaire à 1 912 mètres d’altitude est enveloppé dans le brouillard 200 jours par an. Les déboisements du passé ont laissé un paysage désolé où l’on trouve des plantes arctiques, dont le pavot velu du Groenland. Pétrarque en relate son ascension en 1336 dans une lettre. Dans son roman de 1962, Colomb de la lune, Barjavel y situe une base spatiale où des astronautes en hibernation se préparent à une mission lunaire. Le caractère futuriste du lieu sera finalement parachevé en 1995 avec l’installation d’un radar de l’aviation civile.
LE VOLCAN DE DALLOL
Au nord de la dépression Danakil à moins 130 mètres sous le niveau de la mer, le site volcanique de Dallol convoque une version apocalyptique d’un monde excluant les humains. Ces paysages torturés, aux chaleurs insupportables, saturés par le soufre des fumerolles offrent la vision d’une Terre encore engluée dans son origine magmatique. Assimilées à un paysage lunaire, ces étendues parcourues de vasques d’acide, de geysers et d’émanations toxiques n’ont toutefois pas grand-chose à voir avec le satellite naturel de la Terre. Une projection fantasmée 100 % humaine !
LA STRUCTURE DE RICHAT
Comme tout droit sortie de l ’imagination folle d’un écrivain de science-fiction, la structure de Richat, au milieu du désert du Sahara en Mauritanie, est longtemps demeurée une énigme scientifique. Apparu pour la première fois sur les cartes en 1922, “l’Œil de l’Afrique” large d’une cinquantaine de kilomètres retint l’intérêt de l’explorateur et biologiste Théodore Monod dès 1934, avant d’être révélé à grande échelle par l’une des missions spatiales Gemini américaines. Longtemps considéré comme résultant d’une chute de météorite, cet oculus a en fait une origine géologique. Il s’agit d’un dôme magmatique affaissé où l’érosion a dessiné ces formes organiques étranges.
LE PARC WAI-O-TAPU
Dans cet univers géothermique unique, Wai-O-Tapu, “eaux sacrées” en maori, possède un paysage hallucinatoire émergeant de brumes sulfuriques (mal)odorantes. Les eaux du parc naturel révèlent des teintes étranges : lacs aux couleurs aquamarines ourlés de rouge sang (dont la “Champagne Pool” à plus de 90°C), puits d’eau bouillonnante vert phosphorescent, surfaces jaunes toxiques d’où s’échappent des geysers brûlants. Un paysage délirant qui ressemble aux territoires de nos rêves.
LA CALDEIRA D’ASKJA
C’est le paysage qui ressemble le plus à la Lune selon la NASA. Entre 1965 et 1967, les astronautes des missions Apollo se rendirent au centre de l’île pour des recherches géologiques et se familiariser avec l’astre argenté. Sept des douze astronautes qui mirent le pied sur la Lune séjournèrent dans ces paysages volcaniques aux lacs gelés dont ils étudièrent les sols. Perdu dans les espaces désolés, le visiteur peut toujours expérimenter l’inquiétante indécision d’évoluer dans un paysage lunaire sur Terre.
LES VALLÉES DE MCMURDO
Dans le journal d’Edward Wilson, un des premiers explorateurs britanniques qui découvrit ces vallées sèches en 1902, on peut lire son évocation de planètes mortes. Dénuée de neige, la vallée est un des lieux les plus arides de la planète, ses sols aux graviers sablonneux n’hébergeant quasiment aucune vie. Son écosystème primitif en fait le plus grand laboratoire du monde. C’est d’ailleurs pourquoi la NASA y a préparé nombre de ses missions pour Mars. Timidement, le tourisme se développe dans ces confins ultimes du globe.
LE VOLCAN KAWAH IJEN
À l’extrémité est de l’île de Java en Indonésie, parmi la chaîne volcanique, on trouve ce volcan explosif actif, Kawah Ijen, “cratère vert”. Au fond du cratère, la surface verdâtre et opaque de l’eau ne reflète pas le ciel. Le lac, aux couleurs inquiétantes, est le plus acide de la planète. À la nuit tombée, le cratère crache des flammes bleues électriques dues à la combustion des gaz au contact de l’air. Pour la visite, port du masque obligatoire.
LE CRATÈRE DE HAUGHTON
Au nord du Canada, proche du Groenland, se trouve Devon Island, l’une des plus grandes îles inhabitées de la planète (plus de 55 000 km2). Certes lunaire, mais pour les scientifiques, le cratère de Haughton offre la plus grande similitude sur Terre avec la planète Mars. Aussi, depuis 2004, des scientifiques vivent en isolation totale sur ce désert minéral, dans des conditions simulant la vie sur Mars.
L’ÎLE DE LANZAROTE
Environ 300 volcans jalonnent cette petite île perdue en Atlantique. Les multiples irruptions volcaniques du XVIIIe siècle ont légué ce paysage désertique de lave séchée tombant dans la mer. Attiré par ses paysages de science-fiction et son village de nudistes, le romancier Michel Houellebecq y écrit en 2000 Lanzarote. Là, au cœur des paysages volcaniques, la secte des Elohimites attend le retour d’extraterrestres détenteurs du secret de la vie éternelle. Une adéquation totale entre un paysage lunaire et l’univers fictionnel de l’écrivain.
LES GROTTES DE GLACE
Dans la péninsule du Kamchatka, à l’extrême est de la Russie, se trouvent des étendues volcaniques prises dans les glaciers, désormais inscrites sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. Sur les versants du volcan Mutnosky, on a découvert en 2012 une grotte profonde qui laisse transparaître la lumière extérieure lors de la fonte des glaces accélérée par le réchauffement climatique. Entre paysage apocalyptique de l’Anthropocène et espace visionnaire issu des romans de Lovecraft, ces grottes annoncent les territoires spéculatifs de planètes encore inconnues.
LE VOLCAN MAUNA KEA
Le territoire le plus extraterrestre de notre planète se trouve à Hawaï, dans le Pacifique. Sur les versants désertiques du volcan Mauna Kea, se trouve HI-SEAS, une station de simulation de la vie sur Mars. Sous un dôme géodésique, vivent en autarcie les équipes qui partiront dans l’espace. Réunissant des conditions analogues à la planète rouge, avec des sols de basalte proches des sols martiens, les équipes testent robots et équipements. L’expérience étudie aussi la dynamique de groupe pour sélectionner les astronautes qui formeront un équipage capable d’affronter les tensions psychologiques d’un voyage très long. Il existe une ligne de communication directe avec Mars : il faut 20 minutes à un e-mail pour traverser l’espace.
LE DÉSERT D’ATACAMA
Ces étendues salines désertiques s’étirent au nord du Chili, encadrées par deux cordillères volcaniques. Sa biosphère aride en fait l’un des lieux les plus inhospitaliers au monde. Perdus dans les montagnes, les radiotélescopes d’ALMA écoutent les ondes des espaces-temps infinis afin de comprendre la formation de notre système solaire. Dans ce désert total, la vallée de la Lune et la vallée de la Mort offrent tant de similitudes avec Mars que la NASA y a testé des véhicules avant d’aller explorer la planète rouge.