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CJ Hendry, Hoop Tree, Miami, 2023

RENCONTRE AVEC CJ HENDRY

Par Coline Chaptal

À l’occasion de l’inauguration de HOOOOOOPS lors de l’édition 2023 de Art Basel Miami Beach, CitizenK a rencontré l’artiste australienne CJ Hendry. Si elle maîtrise le dessin hyperréaliste à la perfection depuis son studio new-yorkais, c’est au jeu des installations artistiques et ludiques à 360° qu’elle brille également depuis quelques années. Dévoilée en plein Brooklyn au printemps 2023, son installation PLAID a même été transformée en véritable aire de jeux permanente (Space Club @_spaceclub_) pour les petits et les grands, alors que l’arbre à basket HOOOOOOPS fait entrer CJ dans le cercle des artistes ayant signé des œuvres d’art public. Impossible de s’ennuyer !

CitizenK: Comment avez-vous commencé à dessiner ?

CJ Hendry : J’ai commencé parce que j’aimais vraiment l’intimité que procure le dessin, il s’en dégage un certain rythme et j’aime la proximité avec le papier. Cela a quelque chose de beau et, en fait, je ne sais pas peindre ! J’ai essayé, mais ça ne marche pas, c’est trop salissant pour moi.

Lorsque vous avez commencé votre série Rorschach (2019), vous êtes passée à des dessins plus abstraits, s’agissait-il alors une démarche volontaire ?

J’adore l’hyperréalisme et je me débrouille très bien, bien sûr, mais je trouve cela vraiment premier degré et très kitsch ; ce n’est pas très bien vu – à juste titre – parce que ce n’est pas conceptuel et que c’est très figuratif. Je trouvais cela un peu trop facile, alors je me suis mise à réaliser des dessins plus conceptuels ; c’est aussi à ce moment-là que j’ai commencé à monter des expositions parce que cela me permettait de vraiment m’appuyer sur un concept plutôt que de me limiter à un petit dessin et de rester dans du figuratif. J’en avais besoin, car j’étais très frustrée par le manque de relief de l’hyperréalisme – enfin, pas vraiment le manque de relief, ce n’est pas le bon terme, mais cela donne un dialogue sans relief. Je me suis dit que je ne pourrais pas évoluer en tant qu’artiste si je me contentais de reproduire des photographies.

Les expositions, surtout les vôtres, ont quelque chose de plus ludique que l’hyperréalisme. Souhaitez-vous divertir davantage avec votre pratique artistique ?

Je ne sais pas si je cherche vraiment à divertir. Ce n’est pas ma priorité quand je travaille à un projet. Pour faire venir le public, il faut sans doute que ce soit divertissant, mais ce n’est pas ce qui me motive. Je pense qu’il faut que ce soit intéressant et qu’on n’ait pas besoin de toucher, mais il faut qu’à un moment donné on éprouve une forme de connexion. Et la plupart du temps, cela passe par le toucher et par le jeu. Jusqu’à ce que je trouve autre chose !

Ces dernières années, vous avez commencé à proposer des expositions telles que PLAID. Que vous apportent, à vous et aux visiteurs, ces extensions 3D de vos dessins ?

Il y a un aspect technique très particulier dans mes dessins, cela me détend et c’est cathartique, mais cela a ses limites. De plus, ils sont très chers et seules quelques personnes peuvent en profiter. Je fais un dessin, je le filme, je poste la vidéo sur les réseaux sociaux et puis c’est terminé. Et les gens n’ont pas la possibilité d’expérimenter le produit. Je consacre beaucoup d’énergie à ces choses que personne ne verra jamais. Alors je me suis dit qu’il fallait organiser des expositions gratuites ou, sinon, à dix dollars l’entrée, ce qui reste accessible pour la plupart des gens. Ils peuvent venir et expérimenter le concept, voilà pourquoi mes dessins tournent toujours autour d’un concept. Je ne viens pas du monde de l’art, je ne suis pas quelqu’un de branché et c’est vraiment agréable de pouvoir présenter des idées et permettre à n’importe qui de venir et de vivre l’art. Désormais, nous nous lançons même dans des projets d’art public, ce dont j’ai vraiment hâte. Nous commençons à Miami et nous avons un autre projet pour l’année prochaine dans le Nevada, Public Pool.

Que présentez-vous à Miami ?

Un grand arbre à paniers de basket que nous inaugurons pendant quatre jours à l’occasion d’Art Basel. J’ai aussi dessiné des ballons qui ne sont disponibles que pendant trois jours (déjà sold out !, ndlr), mais l’arbre, lui, restera ensuite en place ! Nous avons la chance d’avoir un partenariat avec la mairie de Miami. Ce qui est formidable, c’est que d’habitude les expositions sont grandes, belles et accessibles au public, mais elles ne durent que trois jours. C’est comme si nous faisions tous ces efforts avant de tout détruire. Là, nous allons plus loin : c’est mieux parce que c’est gratuit, cela se passe dans un parc public et c’est soutenu par la ville. Je suis tellement contente d’avoir enfin l’occasion de faire quelque chose qui perdure.

Comment le concept est-il né ?

Des arbres à basket, cela fait des années que j’en vois, donc je ne suis pas la première à en faire un. Le premier que j’ai vu, c’était il y a 15 ou 20 ans, en banlieue parisienne. Il avait été construit par des architectes, il devait être en métal, très simple, avec cinq bras, je crois. J’ai trouvé ça génial. Tous les paniers étaient placés à des hauteurs différentes et plein de jeunes jouaient au basket. C’était vraiment cool, ça changeait un peu de la version classique à un panier. Plus récemment, j’en ai vu d’autres – il y a un artiste qui en fait des oranges. Mais je pourrais probablement citer huit ou dix personnes différentes qui en ont fait. Tous ceux que j’ai vus étaient un peu mastoc. Moi, j’en voulais un qui soit super classe, avec un très beau design, très épuré, tout en courbes et magnifique. Je voulais qu’il soit très symétrique, avec des rondeurs, agréable à regarder. Un design avec du peps donc, mais sans changer le concept.

Vous n’avez pas de galerie, mais vous êtes très entourée. Quand avez-vous commencé à avoir votre propre équipe ?

Voilà environ dix ans que je fais cela, donc je dirais que pendant sept ou huit ans, j’ai travaillé en solo, avec une assistante de studio, Elsa. Elle a dû me rejoindre il y a six ans et, pendant longtemps, nous n’étions que toutes les deux. Ce n’est que récemment que j’ai commencé à étoffer mon équipe, car je faisais tout moi-même, sans que rien ne soit vraiment bien fait et ça ne me convenait pas. Évidemment, ça a un coût, mais cela m’a permis de me concentrer sur ce que je fais vraiment bien. Et nous avons une très bonne équipe, alors, c’est vrai, je n’y arriverais pas sans eux.

Pouvez-vous nous parler de Copyright Infringment ? Est-ce que vous arrêtez ?

Copyright Infringment est vraiment né par hasard il y a cinq ou six ans parce que j’ai fait un dessin d’un Polaroïd de Warhol, sans autorisation. Nous l’avons imprimé sur des T-shirts que nous avons vendus, ce qui m’a valu bien des ennuis. On nous a demandé de nous débarrasser des T-shirts et plutôt que de simplement les jeter, j’ai décidé d’opter pour une solution plus créative. Puis nous nous sommes mis à le faire tous les ans, juste pour le plaisir, parce que ça nous amusait beaucoup. Aujourd’hui, je pense qu’il vaut mieux arrêter un super projet tant qu’il a encore du succès. Je crois que l’on peut facilement faire toujours la même chose et, à la fin, cela n’intéresse plus personne. Après quatre éditions, je commençais à m’en lasser ; nous en avons organisé une cinquième juste pour conclure.

Lors de vos expositions, vous offrez également beaucoup de cadeaux aux visiteurs. Quelle est l’idée sous-jacente ?

Oui, c’est vrai ! Cela dépend du concept. Parfois, donner juste pour donner, ça ne marche pas. Pour Epilogue (Londres, 2022), nous n’avons rien distribué, mais pour PLAID, nous avons offert des chaussettes parce que cela avait du sens par rapport aux espaces de jeu. Ce n’est pas quelque chose que nous anticipons. Je pense que pour Public Pool, on donnera des chapeaux, de la crème solaire, des bouées ou quelque chose comme ça. Pour Miami, nous avons des ballons de basket bleus. Ils ne valent pas grand-chose, c’est juste symbolique.

Pourtant, certains se retrouvent sur eBay !

C’est comme ça ! Si les gens veulent s’enrichir en vendant des chaussettes, qu’ils le fassent ! Ça ne me dérange pas ! (Rires)

HOOOOOOPS Editions à partir du 10 décembre 2023 sur le site de CJ Hendry .