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QUEL EST LE SECRET DU SUCCÈS D’HARRY NURIEV ?  

Par Pauline Marie Malier

Artiste, architecte, designer et fondateur de Crosby Studios, on ne sait pas vraiment où placer Harry Nuriev sur l’échiquier de la création. Et c’est tant mieux, car s’il y a bien une chose qu’il faut à tout prix arrêter, c’est bien de chercher à mettre tout le monde dans une case. Une chose est sûre en tout cas, 2023 est définitivement l’année Nuriev. À 39 ans, le Russe basé entre New York et Paris est sur tous les fronts. Mais à quoi exactement, est dû son succès si incontestable ? 

Théoriser sa pratique et l’expérimenter dans toutes les sphères 

C’est sous l’étendard du « transformisme » qu’Harry Nuriev touche à tout. Ainsi définit-il sa pratique hybride dont le principe est, comme le suggère son nom, de transformer des pièces déjà existantes et de les réinterpréter à travers de nouveaux usages. En début d’année, Nuriev présentait à la Carpenters Workshop Gallery à Paris une exposition intitulée Denim, dans laquelle il repensait le Sofa Pool à la manière de la Rome antique. Depuis, le designer ne s’arrête plus et expérimente dans toutes les sphères. De la boîte à chaussures Louboutin jusqu’à  une collection capsule non genrée pour la marque de vêtements techniques Fusalp, c’est probablement cette capacité à appliquer le « transformisme » à un large panel de domaines qui explique l’omniprésence de Nuriev sur les scènes parisienne et new-yorkaise. Dernièrement, c’est à la gastronomie que s’est attaqué Crosby Studios via une collaboration ultra-instagrammable avec le studio We Are Ona de Luca Pronzato. Au cœur de la foire indépendante Paris Internationale, qui s’est tenue du 18 au 22 octobre dans un bâtiment désaffecté du 10e arrondissement de Paris, Nuriev et Pronzato se sont attachés à mettre en avant les espaces de la cuisine ordinairement cachés. Une installation à plusieurs étages qui ne cantonne pas à la simple décoration puisqu’elle a accueilli, chaque soir, un repas sur mesure concocté par la cheffe berlinoise Dalad Khambu. Bref, avec ce projet à la croisée entre art, gastronomie et design, le succès sur les réseaux sociaux a été garanti. 

Le meilleur des deux mondes 

Au fondement de la réflexion de Nuriev, il y a une question simple : qu’apporter au design ? Réponse : la mode. Regarder le design à travers le prisme de la mode est la marque de fabrique de Crosby Studios. Loin des préjugés, Nuriev place les deux disciplines sur un pied d’égalité, et use intelligemment des particularités de ces deux mondes. 

Avec la mode, il fait connaître son travail à coups de collaborations avec des marques comme Balenciaga, mais c’est dans le design, semble-t-il, que Nuriev cherche à se rendre légitime. Et le défi est réussi avec son projet présenté le 19 octobre dernier au Mobilier national sous le lead d’une nouvelle équipe menée par Hervé Lemoine et René-Jacques Mayer, respectivement président et directeur de la création de l’institution. Le Mobilier national met historiquement en avant les métiers d’art et marque donc un vrai cap dans la carrière de Nuriev : « Ce projet est particulièrement important pour moi car il se tient dans un lieu d’histoire ». 

Et effectivement, rentrer dans les collections de mobilier français est un honneur que nombre de designers convoitent. Avec, d’un côté, une carte blanche en collaboration avec la foire Design Miami via laquelle Nuriev réinterprète à l’aide des technologies de l’intelligence artificielle l’art de la tapisserie, et, de l’autre, une invitation dans le cadre du programme des Aliénés du Mobilier national, Nuriev s’assure le respect du monde du design. Un tour de force qui s’est traduit par un vernissage où se côtoyaient pontes du design et aficionados de la mode. Que l’on soit sensible ou non à sa pratique, Harry Nuriev, en mélangeant les deux disciplines, s’assure un succès dont le secret est finalement plus simple qu’il n’y paraît. Avant-garde, peut-être. Intelligent, très certainement !