Tu sens la goutte sur ton front, une vague de gêne, un frisson général qui t’envahit et pourtant, sans savoir pourquoi, tu restes à regarder cette vidéo embarrassante ? Oui, tu t’es fait “cringer” ! Rien d’étonnant à ce que les vidéos TikTok qui comportent le hashtag “cringe” cumulent des millions de vues. Mais pourquoi ce phénomène nous concerne-t-il tous (ou presque) ?
Du cultissime “Mais t’es pas net” de Baptiste à Amandine du 38 en passant par les sketchs de Mcfly et Carlito, les vidéos lunaires d’une certaine Morgane Make Up ou encore les télé-réalités les plus cheap, les contenus malaisants ont toujours connu une énorme cote de popularité et provoquent un savoureux mélange entre hilarité et honte. D’ailleurs, fait utile, le mot anglais “cringe” signifie “grincer des dents” ou “reculer” : réactions fréquentes lorsque tu es confronté à une expérience de ce type.
Entre empathie, gêne et sympathie
Mais il existe en réalité une explication à ce “masochisme bénin” théorisé par un chercheur danois, Marc Hye-Knudsen, qui décrit ce phénomène : “Quand il est bien préparé et conscient, il permet aussi de rire à des situations immorales en sachant que personne n’est blessé. On parle alors de ‘violations bénignes’”, peut-on lire sur France TV Slash.
Plus encore, chacun de nous s’est un jour retrouvé au centre, malgré lui, d’une situation gênante. Consommer du cringe, c’est finalement une expérience d’empathie totale où l’on compatit de manière fortuite, comme nous le décrit l’actrice Louise Coldefy, actuellement à l’affiche de la série Fiasco aux côtés de Pierre Niney et François Civil : “La société d’aujourd’hui et les réseaux nous poussent à vouloir tout rendre parfait, lisse, un monde de paraître. En tant qu’actrice, montrer ce qui ne fonctionne pas, ce qui dérange, les ratés, c’est un kiff ultime. Le cringe naît autant de l’arythmie, des silences, que des personnages que l’on joue : un individu en manque de confiance, en représentation, qui joue un rôle pour sociabiliser offre toutes les clés d’une situation cringe”
Mais alors pourquoi le cringe plaît-il tant, peut-on se demander ? “Ça fait du bien ! On veut pouvoir se projeter, s’identifier. Personnellement pendant le tournage de la série, j’ai vécu des grands moments de solitude pour faire rire Pierre et l’équipe. Je ne rentrerai pas dans les détails mais ils ont fini par souligner à la suite de nombreux malaises ‘Wouah tu te fais vraiment énormément rire’. Bilan ? Criiiiiiiiinge”, s’amuse Louise.
Mais pour ceux qui scrollent de manière frénétique en quête de malaise, l’expérience est tout autre : addictive et viscérale. Les vidéos malaisantes qui pullulent sur les réseaux mettent en scène des individus, des animaux, des situations… En somme, tout peut être cringe. Le fil est presque infini tant le genre trouve son public. Et il est loin d’être nouveau. Les ancêtres du genre sont des pontes du registre comique : Éric et Ramzy. A l’international, on peut aussi penser aux Monty Python et leur patte unique qui séduit autant qu’elle lasse, à double tranchant.
Pour Tony Vernagallo, journaliste-chroniqueur sur M6 : “Tout a commencé avec des séries culte telles que The Office, qui joue beaucoup sur l’humour méga gênant. Le cringe est né de cette mouvance. Cet humour m’a mis une énorme claque. Après ça, j’ai essayé de retrouver les mêmes sensations avec une réelle accoutumance. Cela peut sembler absurde mais ça a été comme une drogue sur moi : excitation, montée, euphorie, fou rire, et j’en redemande. Les contenus sont les réseaux sociaux sont encore plus fascinants car ce sont des gens ‘ordinaires’, des individus lambda dans des situations désarmantes d’humanité. Des sensations fortes garanties, bref tout ce que l’on aime …”
Finalement le malaise est révélateur d’humanité, l’humour malaisant provoque autant qu’il fonctionne et une chose est sûre, personne n’y est indifférent. Si vous vous posiez la question : “Comment sortir d’une situation cringe ? C’est comme un pet, il faut assumer”, clôt Louise Coldefy. Conclusion cringe à souhait ?