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Jacquemus SS24

POURQUOI LA MODE SQUATTE-T-ELLE LES LIEUX D’ART ? 

Par Nina Boutléroff

En ce 1er jour de Fashion Week milanaise, CitizenK a décrypté la nouvelle tendance en matière de lieux de réception des défilés : les endroits qui célèbrent la culture, à commencer par les musées et galeries, comme pour mieux asseoir la mode au rang d’art majeur.

Après des saisons de shows virtuels pour cause de pandémie, le défilé-spectacle vivant revient en force (et avec grandeur) sur le devant de la scène mode. Il semblerait même que certaines maisons souhaitent nous abreuver de culture, voire nous faire (re)découvrir des expositions artistiques. Les créateurs sont-ils les nouveaux audio-guides ? Le 27 janvier dernier, Simon Porte Jacquemus avait donné rendez-vous à ses invités à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence pour présenter sa nouvelle collection, intitulée Les Sculptures. Après les jardins du château de Versailles, le créateur originaire de Salon-de-Provence renoue donc avec son Sud natal mais aussi une obsession propre à la mode : les lieux d’art. Entre deux silhouettes aux épaules larges ou vêtues de mousseline transparente, on aperçoit sur le catwalk des œuvres d’artistes légendaires tels que Alberto Giacometti, Georges Braque, Joan Miró ou encore Eduardo Chillida. D’où vient cette manie de mêler les vêtements aux objets d’art ? Car Jacquemus n’est pas le seul à prendre ses quartiers dans un espace culturel de renom. Stella McCartney au Centre Pompidou, Chanel au Grand Palais ou encore Miu Miu au Palais d’Iéna, si les maisons de mode défilent souvent dans des lieux culturels, la nouveauté réside dans la volonté de créer une continuité entre les objets d’art exposés et les vêtements. Les designers auraient-ils pour ambition d’élever leurs créations au rang d’œuvres d’art ? 

Les toiles au fond, les vêtements devant 

Lors de la dernière Fashion Week homme, la maison Loewe s’est associée au peintre américain Richard Hawkins. Le podium, grand cube blanc, était orné des toiles de l’artiste, connu pour ses collages de corps masculins aux couleurs pop. Comme sortis tout droit de ses œuvres, les hommes défilent avec la même attitude que ceux représentés. Sur certaines pièces, les peintures de Richard Hawkins se déclinent comme l’un des imprimés de la collection. Un moyen de fusionner les œuvres ? Du côté du label Homme Plissé Issey Miyake,  ce dernier s’est associé avec l’artiste breton Ronan Bouroullec. Le concept : les vêtements immaculés deviennent des toiles vierges, zébrées de couleurs comme des coups de pinceaux. Et si les créations de prêt-à-porter sont pour certaines déjà reconnues comme des pièces de collection, le stade suivant serait de devenir un objet d’exposition, seulement destiné à être regardé et non à être porté. Il semblerait que la robe de mariée qui a clôturé le défilé Jacquemus, dont le buste rigide a été moulé sur mesure, ne pourra jamais être commercialisée. Une robe unique vouée au musée plutôt qu’à l’autel ? Une chose est sûre, pour la collection Les Sculptures, le créateur provençal a confirmé s’être inspiré des silhouettes mythiques de Giacometti : « En commençant à travailler sur cette collection, j’avais deux idées opposées en tête : les sculptures de Giacometti… et les clichés bourgeois. J’ai voulu faire se rencontrer ces deux univers. » La mode n’a pas fini d’épater la galerie.