Couper ses cheveux très courts reste un acte pas si anodin pour une femme. Encore plus dans une société qui semble rejeter la coupe dite « à la garçonne ». Mais qui a dit que ce n’était pas féminin ?
« Historiquement, la coupe à la garçonne a marqué une rupture avec les normes féminines traditionnelles, symbolisant la libération et l’émancipation des femmes. Aujourd’hui, elle représente toujours un défi aux stéréotypes de genre, reflétant l’indépendance et la force de caractère », note Adrien Coelho, coiffeur au salon Très Confidentiel à Paris. Il faut dire que la gent masculine semble toujours désireuse de glisser sa main dans une chevelure longue et dense, qui symboliserait une féminité à l’état pur. Alors, les tailler au-dessus du menton déclenche encore chez certains les railleries. Cette coupe soi-disant singulière, pourtant adoptée par la majorité des hommes, s’est imposée depuis plus d’un siècle comme une rupture radicale avec les préceptes féminins. « Elle est un moyen puissant pour mes clientes de s’affranchir des standards de beauté, reprend le coiffeur. Certains hommes y voient une expression d’indépendance et de confiance, tandis que d’autres sont profondément attachés aux conventions des cheveux longs. »
A lui seul, le terme « à la garçonne » n’est pas insignifiant. Il apparaît dès la fin du XIXe siècle dans les écrits de Joris-Karl Huysmans, qui évoque une femme à l’allure « enfantine », abandonnant le corset pour des vêtements amples. Puis en 1922, avec le célèbre livre La Garçonne de Victor Margueritte, dans lequel l’auteur dépeint un personnage aux multiples partenaires, émancipé d’une société qui l’interdit pourtant de vivre sa liberté. Durant les Années folles, une femme sur trois porte d’ailleurs la coupe courte et tente de revendiquer l’égalité des sexes. À vrai dire, certaines d’entre elles ont conservé la longueur de cheveux qu’elles avaient dû couper pour travailler à l’usine lors de la Première Guerre mondiale. Les ouvrières avaient également goûté au pantalon, que Gabrielle Chanel, une des pionnières du style à la garçonne (notamment pour la petite robe noire qui efface les formes du corps), popularisera.
Une autre féminité
Aujourd’hui, on le distingue à travers des personnalités comme les actrices Florence Pugh ou Kristen Stewart : couper ses cheveux très courts renvoie un message fort d’émancipation. Encore plus dans un monde dicté par les règles d’Hollywood. « Leur choix a eu un impact notable dans les médias et sur les réseaux sociaux, illustrant la polyvalence et l’audace de la coupe à la garçonne », précise Adrien Coelho. En 1990, lorsque Demi Moore apparaît avec une coupe courte à l’écran dans Ghost, auprès de Patrick Swayze, le visage est placé en première ligne. Les yeux et les joues ne peuvent plus être cachés par une longue chevelure. Toutes ces femmes mettent en scène leur féminité d’une toute autre manière. Audrey Hepburn, elle, la dévoile en 1953 par des sourcils marqués et une bouche dessinée, tandis que le mannequin britannique Twiggy, avec sa coupe « pixie », l’affirme par une minirobe ou ses interminables cils dans les années 1960. Finalement, à l’inverse du mythe de Samson (qui tirait son pouvoir de ses opulents cheveux jusqu’à ce que l’on les lui coupe et qu’il perde sa puissance), les couper, pour une femme, semble les armer d’une force nouvelle.