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Girls on Bike, de la série “Sarf Coastin’” par Elaine Constantine, décembre 1997

PORTRAIT DE FACE

Par ALICE FLAMANT

Une exposition à la National Portrait Gallery de Londres est consacrée au magazine The Face, la bible branchée de la fin du millénaire. Pleins feux sur une révolution culturelle.

”1980 fut l’année zéro”, révèle le journaliste et écrivain Dylan Jones au sujet de la presse indépendante moderne. Cette année-là, en l’espace de quelques mois, trois magazines ont vu le jour : i-D, Blitz et The Face. Ils créeront à eux trois une niche qui secouera l’industrie du magazine. Le contexte géopolitique assez tendu et la crise économique anglaise forgent des conditions idéales pour rendre l’ascension de ces trois nouveaux supports si fulgurante. Comme le cri du coeur d’une jeunesse décomplexée qui souhaite s’affranchir du conservatisme ambiant, la dimension artistique et créative de ce mouvement en firent le manifeste d’une génération qui cherche à se réinventer.

UN ESPACE DE TRANSGRESSION

Installés dans une ancienne blanchisserie victorienne, au sein des Ossington Buildings, juste à côté de Marylebone High Street, les bureaux de The Face sont au coeur d’un quartier londonien plus que branché. Les espaces ne sont pas cloisonnés, ce qui permet une ambiance familiale et conviviale où l’atmosphère est électrique et le travail acharné. La pièce du rez-de-chaussée, surnommée “War Room”, témoignera de longues discussions nocturnes et de désaccords éditoriaux, s’arrangeant souvent quelques rues plus loin, autour de verres à la Soho Brasserie dans Old Compton Street. Mais le visage de The Face, c’est d’abord Nick Logan, ancien rédacteur du New Musical Express (NME pour les avertis) qu’il réinvente au début des années 1970 en bouleversant la ligne éditoriale. Dylan Jones, qui collabora aux magazines i-D et The Face, confiait à Paul Gorman dans The Story of The Face : “Le NME était notre moyen de tout découvrir, de la musique pop ésotérique à la politique galvanisante et la critique culturelle sceptique et démesurée, c’était notre propre journal national, un lieu où la passion et le cynisme étaient encouragés à parts égales.” Nick Logan va ainsi transposer ce modèle. Cet homme charmant et plein d’humour travaillera en étroite collaboration avec le légendaire directeur artistique Neville Brody. Avec The Face, ce dernier révolutionne l’identité de la presse de l’époque, encore régie par une certaine rigidité graphique. S’inspirant de la typo graphie et des couleurs de Paris Match pour la couverture, il introduit une esthétique plus expérimentale en jouant avec des mises en page déconstruites et des photographies percutantes.

*Cet article est issu de notre numéro de printemps 2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*