Cette saison, prime aux créateurs indépendants ou émergeants qui ont offert le meilleur d’eux-mêmes. Le duo d’Egonlab fait défiler de sombres héros dans de savant drapés, des vestes maxi épaulées et cintrées à la taille. Le tailoring parisien existe bel et bien, sans doute moins lisse que de l’autre côté des Alpes mais avec une main plus légère et plus imaginative. Des drapés on en également vu de sublimes chez Dior où Kim Jones rendait hommage au style de Rudolf Noureev, sur scène et à la ville, et chez le jeune franco-turc Burc Akyol qui floute les notions de genre. Chez Givenchy, le studio dirigé par le formidable britannique Joshua Bullen prend le contrepied des collections signées Matthew Williams, désormais ex-directeur créatif de la marque. Dans un luxe inouï, il s’inspire de l’allure (et de certaines créations) d’Hubert de Givenchy : costumes du soir incisés sous les aisselles pour être portés en cape, motifs de chats, de chandeliers et de cheveux datant de son époque tout juste post-Schiaparelli. En clou du défilé, une silhouette empruntée à Audrey Hepburn dans Charade, le film de Stanley Donen.
Le maestro absolu dans l’art de la coupe cette saison c’est Junya Watanabe qui hybride de superbes manteaux de laine tout à fait classiques à d’autres pièces bien connues du vestiaire masculin comme le trench-coat ou le blouson en denim. Du grand art ! Rick Owens, fidèle à sa vision dystopique, transforme la silhouette grâce à des jambières gonflables mises au point avec un jeune créateur. Dans un registre beaucoup plus sage, Dries Van Noten mise sur une silhouette stretchée, grâce à de nouvelles ampleurs parfois déclinées dans des combos coloriels étonnants comme beige et rose poudré. Chez Loewe, Jonathan Anderson ne déçoit pas avec une collection où il y a tout et son contraire. Un cynisme de bon aloi et parfaitement efficace lorsqu’il s’agit de bousculer les certitudes sur le goût.
Cette saison a également vu certains créateurs privilégier une forme d’intimité avec des défilés à la maison en comité ultra restreint (Rick Owens, Givenchy, Lemaire), préférant ainsi communiquer sur l’essence de leur travail plutôt que sur un spectacle. A l’opposé, Pharrell Williams joue les cow-boys de grand luxe dans une scénographie évoquant un ranch et les plaines de Virginie. Ce prairiecore imaginé pour Louis Vuitton tient sans doute autant de l’entertainment que de la mode et a fait piaffer de bonheur les inconditionnels de grands shows à l’américaine. Yeehaw !