×
Kneeling Woman, Sam Jinks © Sam Jinks Avec la permission de l'artiste et de Sullivan+Strumpf, Sydney et l'Institut pour l'échange culturel de Tübingen

L’hyperréalisme, ou l’art du réel, s’invite au musée Maillol

Par Sirine El Ansari

Après Bilbao, Canberra et Lyon, l’exposition Hyperréalisme – Ceci n’est pas un corps investira les murs du musée Maillol à la rentrée. Le centre d’art parisien, qui porte le nom du célèbre sculpteur Aristide Maillol, accueillera des sculptures au réalisme saisissant.

Simple copie du réel ou représentation artistique qui touche au génie ? L’hyperréalisme divise les amateurs d’art, mais ne laisse personne de marbre. Sa volonté de retranscription quasi photographique trouble, perturbe, met mal à l’aise. Et n’est-ce pas là l’une des fonctions premières de l’art ? Pour tenter de répondre à cette question, direction l’exposition Hyperréalisme – Ceci n’est pas un corps qui, après avoir parcouru la planète, pose ses valises du 8 septembre 2022 au 5 mars 2023 au musée Maillol, à Paris. Sous la coproduction de l’agence Tempora et de l’institut Für Kulturaustausch, l’événement réunit quarante œuvres d’artistes internationaux tels que Carol A.Feuerman (Catalina, 1981) Ron Mueck (Man in a Sheet, 1997), Sam Jinks (Kneeling Woman, 2015), qu’on découvre en six sections créées pour disséquer les différentes approches artistiques de l’hyperréalisme.

Le courant, qui émerge dans les années 1960 aux États-Unis, naît en réaction à l’art abstrait des années 50 porté par des figures comme Jackson Pollock ou Mark Rothko. Le mouvement fonctionne sous le prisme du réel et profite de sa capacité à déranger, comme le font très bien les découpes de corps humain au format carré et XXL de Valter Adam Casotto (In The Box extended, 2017) : un focus sur la peau excédante d’un coude ou sur le camaïeu de roses d’une auréole s’offrent à nous, et révèlent, dans un même temps, la complexité des corps. Le sous-titre de l’exposition, en référence à l’œuvre de Magritte (Ceci n’est pas une pipe, ndlr), invite à approfondir notre réflexion sur les corps au-delà même de leur représentation hyperréaliste : peut-on prêter au faux la profondeur d’une âme humaine ? Qu’est-ce que ces œuvres suscitent de plus en nous que de vrais corps humains ?

Les sculptures dénudées nous confrontent, spectateurs, à notre étrange fascination pour le charnel et le difforme : l’œuvre Ordinary Man de l’artiste macédonien Zharko Basheski incarne assez bien cet engouement, avec une sculpture de 2,20m sur 1,80m d’un homme au torse nu, émergeant du sol. Les yeux dirigés vers le ciel, ce géant “ordinaire” nous donne l’implicite autorisation de le regarder, de le scruter.

Se pose alors rapidement la question de la limite entre simple observation et voyeurisme, tant les détails de ces corps, pourtant inanimés, semblent réels. Avec l’œuvre Embrace de Marc Sijan, l’intimité est exposée au travers de deux corps nus, enlacés. Loin des anatomies idéales des sculptures de Michel-Ange, les corps sont ici parfaitement représentés dans leurs imperfections : rosacée, pliures et autres traces du temps sur les peaux nous subjuguent et nous renvoient à la réalité de nos existences, sans imposture. Mais où s’arrêtent les limites de l’hyperréalisme, et en existe-t-il vraiment ? La représentation du corps humain à l’ère de l’ultra-digital donne matière à l’imagination de certains artistes hyperréalistes (Evan Penny, Re Figured, 2011) avec des corps et des visages modifiés, calqués sur les techniques de l’outil Photoshop et des filtres les plus poussés d’Instagram.