Le calendrier milanais s’est brusquement contracté suite à la défection de deux poids lourds. Gucci, en pleine tourmente, et Fendi qui célèbre son centenaire cette saison, ont tous les deux décidé de concentrer leurs efforts sur un défilé mixte fin février. Ils rejoignent, pour une saison au moins, d’autres griffes ayant opéré ce choix depuis longtemps comme Ferragamo, Diesel, Bottega Veneta et même Versace. Ceux qui restent se sont appliqués à proposer un vestiaire plutôt classique, misant davantage sur une perfection de réalisation que sur un propos d’avant-garde. C’est quasiment à l’unisson que les marques italiennes ont imaginé un hiver en cachemire chiné, en peaux lainées et en manteaux ultraconfortables. Morceaux choisis.
DOLCE & GABBANA
Le berger sicilien qui devient une star hollywoodienne, c’est à la fois la trame narrative de ce défilé baptisé Paparazzi et une métaphore de la marque qui a fêté ses quarante ans l’année dernière. De ce show en deux actes, on retient l’exceptionnelle maîtrise des matières, et un tailoring célébrant le smoking dans tous ses états. Le grand soir s’habille de boutons bijoux et de broches géantes évoquant le travail de Miriam Haskell et l’Âge d’Or du cinéma.

EMPORIO ARMANI
Le maître milanais, qui a annoncé sa prochaine retraite, reste en grande forme stylistique avec une collection dont l’opulence reste accessible et portable avec des velours et lurex dorés, des cuirs laqués et des imprimés animaliers qui se taillent la part du lion. Si le défilé au Teatro et la composition de la silhouette évoquent invariablement les années 90 (et au fond, pourquoi pas !), la splendeur des vestes et des manteaux crie son intemporalité. Mieux, son éternelle jeunesse !

JORDAN LUCA
Pour certains créateurs, le défilé est une catharsis. Pour le duo composé de l’Anglais Jordan Bowen et de l’Italien Luca Marchetto, il s’agit du projet d’une vie. D’ailleurs, ils se sont dit « oui » sur le podium, en clôture de leur défilé logiquement baptisé Wedding.

Pour rappel, leur griffe londonienne anime les défilés milanais d’une salutaire et singulière énergie souvent décrite comme post-punk. Pour l’hiver 2025/2026, ils revisitent certains de leurs hits, en mettant l’accent sur la britishness du propos notamment une utilisation moderne du très respectable Harris tweed. God save the queer !

PRADA
En cette veille d’investiture du Président Trump, Miuccia Prada et Raf Simons imaginent un défilé sous nette influence américaine. Certes, on se situe plus dans l’univers subtilement malaisant de David Lynch (RIP) que dans sous le soleil de Mar-a-Lago ! Les fourrures, vues dans de nombreuses collections, sont ici coupées à vif façon trappeur, tandis que les bottes de cowboy (une obsession de Raf Simons, en particulier dans ses années Calvin Klein) subvertissent les proportions qui frisent avec le classicisme. La bande-son nous amène au cinéma (Wendy Carlos revisitant Beethoven pour Stanley Kubrick et Michael Nyman pour Peter Greenaway) mais le vestiaire Prada de la saison est avant tout réaliste, sans pour autant être trop pragmatique.
