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Lanzarote et la vision utopique de César Manrique

Par Sirine El Ansari

Artiste multidisciplinaire et fervent défenseur d’une architecture en osmose avec la nature, Manrique a transformé Lanzarote en un véritable sanctuaire architectural à ciel ouvert. 

L’île de Lanzarote s’est formée au gré du vent, de l’eau et des volcans qui ont ont dessiné ses côtes et reliefs, mais le natif César Manrique (1919-1992) a lui apporté sa pierre à l’édifice de ce bout de terre de l’Espagne perdu au large du littoral marocain en y dédiant sa vie et son œuvre. Après un début de carrière à l’étranger et quatre ans passés aux États-Unis à y présenter ses peintures pour la galerie Catherine Viviano, cet enfant du pays décide de rentrer à Lanzarote en 1968 et d’y consacrer son temps pour faire de l’île volcanique “l’un des plus beaux endroits du monde”. Lassé des critiques faites à l’égard de sa terre natale, il y retourne avec l’objectif de mettre en évidence la beauté des paysages qui le fascinent depuis tout petit, des paysages qu’il qualifie d’anormaux et devenus sa source d’inspiration principale pour ses rêves d’architecte. 

Dans ses œuvres architecturales, l’artiste privilégie une collaboration étroite avec la nature, en construisant autour et selon elle. Erigée sur des bulles de lave, sa résidence principale en est un illustre exemple : les anciens propriétaires refusent de vendre un terrain aussi peu propice à la construction et le lui cèdent gracieusement. Manrique, lui, y voit un champ de possibilités immense et y fait construire un espace de vie en harmonie avec les coulées de lave présentes avant lui. 

Dans son projet de revalorisation de Lanzarote, Manrique impose sa philosophie architecturale auprès du conseil régional de l’île et insiste pour supprimer les panneaux publicitaires dans les rues, limiter la hauteur des bâtiments à celle des palmiers et préserver le style traditionnel des maisons de Lanzarote, caractérisées par leurs murs en pierre et leur enduit de chaux blanche. Pris de passion pour ce projet, l’architecte voyage dans l’île entière pour convaincre les habitants de l’accompagner dans cette entreprise. Ces derniers sont ravis de voir enfin une économie liée au tourisme se développer sur l’île. Conscient de l’intérêt financier du tourisme pour Lanzarote et ses habitants, Manrique craint tout de même l’arrivée d’une certaine architecture balnéaire et la destruction des environnements naturels de l’île. Malheureusement, cette crainte se matérialise sous ses yeux malgré son engagement sans relâche contre les constructions illégales d’hôtels qui, à ce jour, continuent d’imposer leur présence sur l’île de l’archipel des Canaries.