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En 1972, le Modèle 5402 mène l’industrie de la Haute Horlogerie vers de nouveaux horizons, grâce à une boîte en acier finie à la main et au calibre automatique le plus fin du monde à l’époque.

La Royal Oak a 50 ans (et pas une ride)

Par Yemcel Sadou

La Royal Oak a chamboulé les codes de la montre à son lancement le 15 avril 1972. Boîtier et bracelet en acier inoxydable, remontage automatique, cette montre iconique de la maison Audemars Piguet incarne à jamais la révolution culturelle et industrielle des années 70… mais n’en a pas moins su évoluer avec son temps.

Printemps 1972, l’industrie horlogère Suisse est mise à mal par l’arrivée des montres à quartz bon marché. À l’époque, la maison Audemars Piguet fait le pari risqué et provocant de lancer un nouveau modèle en acier inoxydable. C’est ainsi que naît la Royal Oak, qui lance la tendance du luxe sportif et inscrit le nom de son designer – Gérald Genta – dans l’histoire de l’horlogerie avec un grand H. Un demi-siècle plus tard, la Royal Oak s’est hissée au rang du must-have et s’arrache désormais à chaque vente aux enchères. Retour sur un symbole de la (r)évolution culturelle et industrielle des années 70. 

Le déclic 70’s 

Les tendances reflètent l’esprit d’une époque; et la Royal Oak en est la parfaite illustration. Observant un changement de sensibilité chez leurs clients, trois distributeurs  d’Audemars Piguet demandent à la marque d’imaginer une montre plus moderne. La mission est confiée au designer horloger Gérald Genta, qui dessine en une nuit une montre sportive, en acier inoxydable. Il invente alors une lunette de forme octogonale avec vis apparentes, dont l’inspiration lui vient des casques de plongée d’antan. Il réinvestit les codes des montres-bracelets créés par Audemars Piguet dans les années 30, associant le savoir-faire de la maison au mouvement culturel bouillonnant, qui anime l’art contemporain, le design, l’architecture et la musique de son époque. Georges Golay, alors dirigeant d’Audemars Piguet et initiateur du projet, explique dans une interview en 1982 : « L’idée de la Royal Oak est née en 1970 suite à la suggestion d’agents. Ils nous ont demandé de concevoir une montre en acier plus adéquate aux modes de vie modernes. Nous devions créer un modèle qui soit à la fois sportif et élégant, qui convienne aussi bien pour une tenue de soirée que pour être porté dans les activités quotidiennes de l’homme moderne. »

Moderne, elle l’est. Son bracelet intégré comprend à lui seul 154 composants, dont 20 fins maillons de liaison, faisant de ce bracelet l’un des plus complexes de l’histoire horlogère.

C’est au mois d’avril 1972 que la montre en acier la plus chère du marché est dévoilée à la foire de Bâle. Elle génère des réactions contrastées, parfois critiques. Entre les doutes exprimés par les clients et les difficultés rencontrées pour produire et livrer les premiers exemplaires, le démarrage est difficile. 490 pièces sont néanmoins vendues dès son lancement – un record pour Audemars Piguet. Dès 1977, le Modèle 4100 s’impose rapidement comme la référence pour les montres masculines. La Royal Oak est sur le point de connaître un destin radieux. 

Entre ruptures et modernités 

Les décennies se succèdent, la Royal Oak s’adapte. Audemars Piguet décline ses modèles en platine ou en or rose dans les années 80. Les horlogers n’hésitent pas à suivre la tendance du bicolore acier et or jaune, particulièrement en vogue à l’époque. D’abord réticent à implanter cette technologie au sein de sa collection phare, Audemars Piguet intègre les mouvements quartz dans la Royal Oak en 1980. 

En phase avec son temps, la Royal Oak se diversifie en termes de style dans les années 90. Pour ses 20 ans, la montre prend un virage radical, donnant le ton de la décennie. C’est la naissance de la première Royal Oak sur bracelet en cuir. Une pièce très controversée dessinée extra-muros par le designer suisse indépendant Jorg Hysek. La partie centrale de sa carrure est évidée afin d’attacher le bracelet grâce à des pivots mobiles. Déclinée en une vingtaine de variations de matériaux et boîtes, cette atypique Royal Oak prendra encore plus de libertés au fil des années. 

Le lancement de la Royal Oak Offshore devient l’incarnation des modes de vie extrêmes qui s’imposent dans la décennie 90. Dessinée par Emmanuel Gueit, cette réinterprétation robuste de la Royal Oak s’est rapidement imposée à la nouvelle génération qui voit en « The Beast », l’accessoire parfait pour une vie d’aventures. Cette déclinaison de la Royal Oak a fini par donner naissance à une collection à part entière. Entre 1972 et 1999, Audemars Piguet a créé environ 300 variations de la Royal Oak, dont près de 200 durant la période particulièrement créative des années 90. 

L’avènement des années 2000 marque un retour aux sources. Le nouveau modèle 15202 réinterprète les codes esthétiques de la Royal Oak de manière plus libre, avec de nouvelles couleurs de cadran ainsi que le retour du fond saphir. Constitué de pyramides tronquées, ce modèle s’impose rapidement au cœur des collections Royal Oak, à une époque où s’affirme la tendance des montres de plus grand diamètre, suite au lancement de la Royal Oak Offshore en 1993. Dès lors, le diamètre moyen d’une Royal Oak atteint 39 mm en 2005, contre 36 mm dans les années 90 et 35 mm dans les années 80. Se jouant des codes traditionnels, cette version suscite un réel engouement et devient l’une des Royal Oak les plus convoitées. L’imposant look futuriste des années 2000 s’estompe progressivement au profit de modèles plus raffinés, associant les codes originels de la montre avec une esthétique contemporaine et des mouvements plus performants. 

La célébration du 50e anniversaire du modèle iconique se fait avec l’arrivée d’une nouvelle génération de modèles, les Royal Oak « Jumbo », animées par un nouveau calibre automatique extra plat, le Calibre 7121. Conçu sur-mesure pour s’intégrer au sein de la boîte de seulement 8,1 mm d’épaisseur, le Calibre 7121 remplace le 2121 historique qui équipait la Royal Oak depuis ses débuts. Il accroît sa performance, sa fiabilité et son caractère contemporain. La Royal Oak est un modèle définitivement intemporel, qui n’a pas fini de se réinventer.