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Photos, SOL SANCHEZ — Stylisme, LAURENT DOMBROWICZ Coiffure, CHRISTIAN ATTULY — Maquillage, MIN KIM

La peur dévore les âmes

Par LAURENT DOMBROWICZ

…mais c’est avec une franche audace qu’Alessandro Michele a révolutionné le style Gucci. Pour l’automne 2016, il organise la rencontre d’un raffinement italien néo 70 avec un lexique délicieusement britannique.

Avec le recul – un an depuis sa nomination à la direction artistique –, l’ascension d’Alessandro Michele chez Gucci ressemble presque à l’arrivée du messie. Et pas seulement à cause des cheveux longs et de la barbe fournie. Le Romain a non seulement révolutionné le style maison mais aussi dynamisé tout le secteur du prêt-à-porter. Grâce à lui, la mode est de nouveau à la mode, ringardisant au passage d’autres nominations, basées sur la notoriété au détriment du talent. L’harmonie avec Marco Bizzarri, l’habile PDG de Gucci, est au coeur de ce dispositif, car lorsqu’il est isolé, le plus brillant des créateurs est un peu comme un albatros au décollage : maladroit et vulnérable. La vision d’Alessandro Michele est avant tout généreuse. Son passé chez Fendi, où il fut repéré par Tom Ford, et son expérience des accessoires ont sans doute façonné son goût marqué pour la prodigalité. Baroque, festif, exubérant, toujours souriant, il piétine les diktats trop normatifs pour déployer sa vision maximaliste. Comme un enfant qui puiserait dans une malle à jouets, brandissant sans cesse de nouveaux trésors.

N’hésitant pas à frapper plusieurs fois sur le même clou, Alessandro Michele assume son penchant pour les années 70 et les intérieurs chargés. Nul besoin pour autant de faire ici l’exégèse de son audacieuse modernité. Ses castings rafraîchissants, son parti pris genderless et les campagnes publicitaires signées Glen Luchford parlent pour lui. C’est avec humilité et intelligence, deux qualités très rares lorsqu’elles sont combinées, qu’il nous livre son credo : “Le passé n’est pas quelque chose de figé et qui tournerait au ralenti. Pour cette collection prefall, j’ai écouté ce passé mais je l’ai fait communiquer avec l’humeur d’aujourd’hui.” Un raffinement très italien que viendrait bousculer une audace britannique, pourrait-on ajouter sans essayer pour autant de trop rationaliser ses effets magiques. D’ailleurs, cette rencontre très stylée semble déjà s’inscrire dans une continuité. C’est en effet l’abbaye de Westminster – une première pour la vénérable institution construite au XIIIe siècle – qui a accueilli le dernier défilé Gucci en date, nous emmenant cette fois encore au septième ciel.