×

La comète scénique Romain Brau

Par Sirine El Ansari

Dans le film Les Crevettes pailletées, Romain Brau crève l’écran : on ne peut s’empêcher d’admirer sa chevelure rousse flamboyante et d’être charmé par l’élégance qu’il dégage dans chacune de ses scènes. Cet automne, l’artiste retourne sur les planches à l’occasion de son spectacle Romain Brau allume les étoiles, à voir au théâtre Les Étoiles à Paris le 12 octobre. Un retour à la maison sous le signe de l’allégresse et de la liberté.

Romain, tu es un artiste multidisciplinaire : chant, comédie, performance, travestissement… La scène est-elle avant tout un lieu d’épanouissement pour toi ?

C’est intéressant car étant passé par l’Académie de la mode d’Anvers, j’ai d’abord eu une éducation mode. Mais ce qui m’a toujours fasciné finalement, ce sont les défilés et l’aspect divertissant de ces derniers. J’ai commencé en créant des costumes de scène, mais ce que je voulais, c’était me retrouver sur scène avec ces costumes. J’ai toujours aspiré à mélanger la mode avec le chant et la comédie. Naturellement, mon parcours m’a amené à être sur scène aujourd’hui.

Tu as fait tes premiers pas sur scène derrière les coulisses, en tant que créateur de mode. Quel rapport entretiens-tu avec les costumes de scène ?

J’apprécie beaucoup la culture américaine qui porte énormément d’importance au costume de scène : je pense à Cher ou à Lady Gaga, qui ont toujours porté des pièces mémorables. Avec les costumes, on arrive à raconter des histoires, et je trouve que le costume est un médium important pour faire passer des messages. En France, on manque peut-être un peu de cette culture-là. Même moi, je pense que je ne suis qu’à seulement 10% de mon potentiel. Je pourrais y aller un peu plus fort.

La mode a l’air de faire partie intégrante de ton art. Quel est ton premier souvenir fashion ?

En tant que personne androgyne et gender fluid, le message que Jean Paul Gaultier a fait passer dans les années 1990 m’a bouleversé : je pense que j’avais 8 ans quand j’ai vu des hommes en corset. On y voyait des mecs hyper musclés, des figures très masculines jouer avec les codes. Et si aujourd’hui ceci paraît banal à en crever, ça a constitué une clé énorme dans ma vie. Jean Paul Gaultier m’a fait comprendre très tôt que même si j’étais un garçon, je pouvais m’amuser et porter des vêtements de femme.

Ton spectacle solo Romain Brau allume les étoiles est programmé jusqu’à la fin de l’année au théâtre Les Étoiles. Peux-tu nous parler de sa création ?

C’est à la maison, au cabaret Madame Arthur, que j’ai réussi à me faire repérer pour le cinéma. C’est là-bas que tout a commencé pour moi scéniquement. J’ai eu la chance d’être contacté par l’organisateur de spectacles Live Nation, qui était à la recherche de nouveaux artistes à produire. Derrière ce projet se trouve une véritable armée, je pense notamment au merveilleux Nicolas Boualami à la direction artistique, mais aussi à Martin Dust, Doriand et Olivier Steiner à la musique, Joëlle Bouvier à la mise en scène… Le spectacle est très riche et j’y raconte ma vie. C’est un peu absurde, un peu rocambolesque, mais très poétique. Il y a une grosse partie de mon adolescence, mon retour chez mes parents où j’étais entre femme et homme, puis il y a une partie complètement rêveuse sur la mode, dans les rues de Paris. Ce goût pour la liberté et la joie, c’est ce qui m’alimente. Mais je ne te dévoile pas tout, il faudra venir voir le spectacle.

Tu n’as effectivement pas dévoilé d’extraits de ce spectacle. En revanche, tu as publié plusieurs vidéos teasers où tu incarnes différentes figures féminines, fantaisistes et romanesques…

Ce spectacle est très intime, et on n’a rien voulu laisser transpirer du show, pas une seule goutte (rires). Il y a eu un tel engouement que la mise en place de ces petites vidéos teasing étaient obligatoires pour la promo. J’ai décidé d’incarner plusieurs rousses : Jessica Rabbit, Isabelle Huppert, Bree Van de Kamp. Cette rousseur, c’est un sort comme une bénédiction.

Te surprends-tu à les incarner en dehors de la scène ?

Complètement, mais par blague. Quand j’étais gosse, je ne voulais pas être acteur ou chanteur : je voulais être actrice. C’est un fantasme que j’ai réussi à assouvir, notamment avec ces petites vignettes teasers, mais dans mon quotidien aussi. Si je vais au restaurant et que la vaisselle n’est pas bien brillante, je vais m’amuser à lustrer l’argenterie à la manière d’une Nadine de Rothschild, en espérant que mon assiette d’escargots sera servie avec la fourchette adéquate. Puis là se trouve l’occasion parfaite de placer une référence à Julia Roberts (une autre rousse) dans Pretty Woman, qui peine à bouffer ses escargots et qui en fait voler un à travers la salle du restaurant. C’est aussi un humour queer que d’avoir toutes ces références.

Tu mets un point d’honneur à ne pas vouloir représenter de cause ou de communauté. Peux-tu dire que tu mènes un combat malgré tout ?

J’essaie d’abord de me représenter moi et moi seul, et d’être un artiste cohérent, en accord avec moi-même. Aujourd’hui, mon plus bel accomplissement c’est ce spectacle, mais je ne représente aucune communauté. Mais je suis gender fluid, j’adore ma féminité et ma masculinité. Et quand on m’appelle madame ou monsieur, je ne relève personne. Évidemment, il y a quelque chose de très touchant quand tu fais du cinéma : ce sont les messages et les remerciements sur les réseaux sociaux. Parfois, j’ai l’impression d’aider à rendre la vie des gens plus facile et à les accompagner dans quelque chose. Il m’est arrivé d’aider un jeune garçon à faire son coming out auprès de ses parents. Un an après, je les ai rencontrés à Paris. Ça m’a paru logique de faire ça. Mon combat, c’est d’élargir les esprits et de montrer aux autres qu’on peut être libre. Je pense aussi que ce message peut atteindre tous les âges et tous les genres.

J’ai entendu dire qu’un album était en préparation…

En musique, plein de petits projets m’ont été proposés. L’artiste plasticienne ORLAN, qui a beaucoup travaillé sur la chirurgie plastique, prépare un album et m’a demandé de chanter dessus. Plus récemment, j’ai fait une cover de « Voyage Voyage » de Desireless, en collaboration avec l’équipe du train Orient Express. Pour mon spectacle, j’ai pour projet de sortir un album, car je voulais qu’il y ait un souvenir associé. Il existe déjà neuf titres que j’interprète sur scène, mais je veux prendre le temps nécessaire pour les enregistrer.

Le spectacle Romain Brau allume les étoiles se jouera le 12 octobre au théâtre Les Étoiles à Paris.