Intimate care, feminine care, vaginal skincare ou encore sexual wellness, les soins destinés au sexe des femmes prolifèrent sur le marché. Énième injonction à prendre soin de soi ou véritable révolution sexuelle ? Probablement un peu des deux.
Le feminine care, un marché économique et politique
Sans mauvais jeu de mots, le feminine care est devenu un business juteux, avec Gwyneth Paltrow en cheffe de file. La papesse autoproclamée du bien-être a toujours aimé, via son site Goop, animer des débats liés à l’intimité comme ceux autour des œufs de jade ou de la douche vaginale. En 2020, elle lance un pavé dans la mare, ou plutôt une bougie : « This smells like my vagina », dont le parfum est inspiré de l’odeur de son propre sexe (des notes de bergamote, de géranium et de cèdre) et qui se retrouve très rapidement sold out. Forte de son succès, elle sort une autre bougie « This smells like my orgasm » et ouvre définitivement la voie aux célébrités qui souhaitent se lancer dans l’intimate care. Dernières en date ? Kourtney Kardashian et sa gamme de gummies, dont le très controversé Lemme Matcha censé modifier l’odeur du vagin, ou encore Christina Aguilera et sa marque de lubrifiants Playground. Chacune à leur manière, elles rejoignent un marché en plein boum, aussi bien du côté des soins pour le sexe féminin que des cosmétiques liés à la sexualité (huiles, baumes, sextoys, etc). Cette année, le média Bustle leur a d’ailleurs dédié un prix, les Sexual Wellness Awards. Blush, Maude, Dame, The Honey Pot ou encore Barbara Sturm et ses V-drops (des gouttes pour la flore vaginale), qu’elles soient dédiées au plaisir ou au soin, nombreuses sont les marques qui surfent sur la vague de « démystification » du vagin avec une ambition commune, celle de libérer le discours et de lever les tabous autour du sexe féminin. Oui, outre les enjeux marketing, l’intime reste politique.
L’art de la représentation du sexe féminin
Avant d’être la nouvelle lubie des rayons cosmétiques, la vulve a longtemps été un gros mot, littéralement, puisque sa racine latine, « pudendum » désigne les « parties honteuses », celles dont on ne préfère pas prononcer le nom, celles qu’on ne veut pas voir. C’est sans compter sur Gustave Courbet et son tableau L’Origine du monde, un pubis en gros plan exposé au musée d’Orsay depuis 1995. Certes, d’autres grandes figures de l’art ont suivi le mouvement, de Marcel Duchamp à Niki de Saint Phalle en passant par Anish Kapoor et son fameux Vagin de la reine, et jusqu’au désormais pérenne Vagina Museum, rouvert à Londres en 2023 autour de nombreuses œuvres contribuant à « mettre fin à la stigmatisation de l’anatomie gynécologique pour participer à l’évolution de la société, qui doit passer de la honte corporelle à la célébration ». Pourtant, un sentiment de honte vis-à-vis du sexe féminin persiste. L’anxiété vulvaire peut même être reconnue comme une pathologie. Un phénomène accompagné d’un autre, celui du recours à la labiaplastie, ou nymphoplastie, une intervention de chirurgie esthétique qui consiste à réduire la taille des lèvres et dont les demandes ont décollé de 24% en 2019. Nommer, montrer, voire sublimer ne suffit plus à réhabiliter l’image du sexe féminin. Et si cette entreprise passait aussi par le soin ? C’est ce que tentent de montrer ces femmes en se lançant dans le business de l’intime.
Libérer les tabous… et cultiver le plaisir
Soins intimes, libido, ménopause… La plateforme Gapianne rassemble une large sélection de produits et de conseils, et entend bien défendre « l’hygiène intime saine et une sexualité positive ». Idem du côté de Baubô, jeune marque française qui a mis au point un baume pour soigner les irritations sexuelles. Un projet accompagné de deux études sur les douleurs et les inconforts vulvaires permettant de dégommer les tabous. Même son de cloche chez Christina Aguilera, interrogée par le magazine américain People au sujet de Playground : « J’espère inspirer les femmes à se sentir à l’aise et à assumer leur corps et leur sexualité. » Elle ajoute qu’on devrait se préoccuper de son sexe comme on le fait pour le visage : « Nous n’accordons pas vraiment le temps et l’attention nécessaires à nos vagins, alors qu’ils ont eux aussi besoin d’amour et de soins. » Pour Éva Goicochea, la fondatrice de Maude, première marque de bien-être sexuel à avoir été distribuée à grande échelle par Sephora, la catégorie est enfin reconnue comme une démarche holistique, à l’image du reste des soins pour le corps : « Consciente que l’industrie était sexiste et dépassée, j’ai décidé de créer Maude, une marque pour tous », nous explique celle qui vient d’être nommée « Entrepreneur de l’année » par Beauty Matter, la référence de l’industrie cosmétique. En plus de son vibrateur signature à trois vitesses, Maude propose un lubrifiant biologique au PH équilibré ou encore un complément alimentaire pour booster la libido. Par ailleurs, la marque s’engage pour l’éducation sexuelle auprès de nombreuses associations. Une démarche que l’on retrouve dans la série Sex Education, dont le succès a motivé la collaboration de Netflix avec The Vulva Gallery et la publication d’un manuel pour comprendre l’anatomie des femmes et sa diversité. De quoi connaître sa leçon sur le bout des lèvres.