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Le street style dans les rues de New York © Johnny Cirillo

Johnny Cirillo, chasseur de styles à New York

Par Justine Sebbag

Dans les rues frénétiques de la ville qui ne dort jamais, un photographe du nom de Johnny Cirillo se faufile, à l’affût des styles les plus extravagants. À l’origine du compte Instagram @watchingnewyork, qui réunit pas moins d’un million de followers, il insuffle un vent de renouveau sur la photographie street style grâce à une patte bien à lui, celui d’un paparazzi nouvelle génération. Rencontre. 

Citizen K : Comment vous est venue l’idée du compte Instagram @watchingnewyork et comment tout a commencé ? 

Johnny Cirillo : Au départ, il s’agissait juste d’un projet secondaire amusant, quelque chose qui me permettait de rester à l’affût et enthousiaste. J’avais beaucoup de projets de ce type. Je photographiais tout ce qui se trouvait dans les armoires de ma grand-mère, je réalisais des portraits de personnes dans leur chambre, de mon chien qui se tenait sur des objets bizarres… C’était juste l’un de ces projets, puis ça s’est transformé en obsession. 

Citizen K : Vous avez mentionné le photographe de mode du New York Times Bill Cunningham comme une source d’inspiration majeure. Avez-vous également suivi l’engouement pour la photographie street style dans les années 2010 (The Sartorialist, Garance Doré, Face Hunter, etc) ? 

Johnny Cirillo : Non. Je savais qui ils étaient, mais ce n’était pas quelque chose qui me passionnait. Lorsque j’ai découvert les photos de Bill, j’ai été frappé par quelque chose de différent. C’était une véritable documentation des rues de New York. Je m’y suis senti plus attaché. 

Citizen K : Parallèlement au déclin de la culture des blogs, les gens sont venus sur Instagram pour poster leurs propres photos de tenues. Pensez-vous que l’exposition sur internet a changé notre rapport à la mode ?  

Johnny Cirillo : C’est indéniable. J’ai le sentiment qu’à l’arrivée d’Instagram, les gens ont été soumis à un diktat leur imposant ce qu’ils devaient porter. Cela dit, chaque personne sur terre est unique et Instagram leur a donné une voix. 

Citizen K : De nos jours, il y a une sorte de paradoxe. La Gen Z est obsédée par l’authenticité, mais en même temps, les influenceurs inondent internet de nouvelles tenues, créant des micro-tendances qui durent moins de trois mois. Comment reconnaître une bonne tenue quand on en voit une dans la rue ?

Johnny Cirillo : Je n’ai pas de réponse à cette question qui puisse intéresser qui que ce soit. Je n’y pense pas, je regarde simplement autour de moi et quand je vois quelque chose d’esthétiquement plaisant, je le photographie. J’aimerais que ce soit plus profond que cela, mais c’est la base. Bien sûr, lorsque je remarque quelque chose d’exotique ou qui sort de l’ordinaire, je le photographie et je me renseigne, mais l’essentiel est très simple.

Citizen K : Votre approche est quasiment celle d’un paparazzi. Comment en êtes-vous arrivé à ce style de prise de vue particulier ?  

Johnny Cirillo : Parce que pour moi, les gens sont tous des célébrités. Je voulais les surprendre dans leur élément naturel. Si j’utilisais un objectif large et que je m’approchais, ils pourraient me voir et faire semblant. J’aime rester en retrait et essayer de les surprendre avant qu’ils ne me remarquent. 

Citizen K : Les gens sont-ils fiers d’être traités comme des célébrités grâce à leur sens du style ? Racontez-nous votre meilleure rencontre. 

Johnny Cirillo : La plupart du temps, les gens sont très heureux d’être photographiés. Parler de leur tenue permet d’engager la conversation, et ils aiment parler de leur style et de leurs idées. J’ai fait beaucoup de rencontres étonnantes au fil des années, difficile d’en choisir une seule. Il y a environ deux ans, j’ai pris une photo d’un couple au style très pointu qui marchait sur le trottoir. La semaine dernière, j’ai vu le même couple, mais avec un petit bébé dans une poussette. J’ai adoré cette photo. J’ai hâte de voir comment ils vont habiller l’enfant !

Citizen K : A Paris et dans d’autres villes européennes, nous avons quelques comptes (@parisiensinparis par exemple) qui documentent le street style mais ce sont surtout des photos “volées” de dos. Pourriez-vous tenir un compte comme le vôtre à Paris ?

Johnny Cirillo : J’étais à Paris la semaine dernière pour la première fois et j’ai été ravi ! Je me suis posté à différents coins de rue et j’ai pris des photos de gens que je considérais comme des personnalités élégantes. J’ai adoré ça. J’ai demandé à un ami d’écrire un mot en français que je pouvais montrer à tous ceux que je photographiais, en leur demandant s’ils étaient d’accord pour que je prenne une photo d’eux. Cependant, j’ai eu l’impression de trahir New York… 

Citizen K : Je suppose que vous êtes un amateur du people watching (activité qui consiste à observer d’autres personnes, en particulier dans les lieux publics, ndlr), ce qui est un excellent passe-temps. Avez-vous de bons endroits à recommander à New York pour s’y adonner ?

Johnny Cirillo : Partout à New York, c’est fantastique. Soho est un trésor de diversité. On y trouve un peu de tout. Ce que j’aime le plus à New York, ce sont les gens. Ce sont eux qui ont créé tous les restaurants 5 étoiles et toutes les friperies parfaitement organisées. C’est grâce à eux que la ville est si géniale.

Citizen K : Vous avez récemment publié une série de photos de personnes habillées en rose (à l’occasion de la sortie du film Barbie, ndlr). Selon vous, pourquoi les New-Yorkais sont-ils si impliqués et enjoués lorsqu’il s’agit de s’habiller ?

Johnny Cirillo : S’habiller à New York, ce n’est pas seulement se sentir bien dans sa peau ou faire bonne impression, c’est aussi un passe-temps pour les gens. C’est quelque chose qu’ils aiment faire. Ils recherchent des occasions de partager leurs idées avec le monde. Et lorsqu’ils sont à New York, ils savent que le reste du monde est susceptible de les voir.

Citizen K : Pouvez-vous nous dire quels sont les projets dans les cartons ? 

Johnny Cirillo : Le projet le plus excitant sur lequel je travaille en ce moment est un livre qui sortira au printemps 2024. J’ai passé des heures et des heures avec les éditeurs pour le rendre amusant et fidèle à la grandeur de la ville de New York et aux gens qui décorent les rues.