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BEIJING-LÈS-BLOIS Café Route Quick Service proche de Blois dont Jocelyne, l’expéditrice, nous précise qu’elle y travaille et qu’il s’agit bien d’établissements Jacques Borel. Mais quelle architecture ! Un énorme toit pagode en plastique de couleurs vives vient coiffer une cage de verre.

ÎLE DE BÉTON

Par DAVID LIAUDET

Un grand collectionneur a sélectionné ses plus belles cartes postales d’aires d’autoroute. Fun fun fun on the autobahn.

Depuis la peinture Le Pare-brise de Matisse datant de 1917, trop peu d’œuvres d’art semblent avoir voulu regarder le monde derrière le pare-brise d’une automobile. Il s’agit pourtant le plus souvent, aujourd’hui, de la première vision que nous ayons d’un lieu, image brouillée par une nappe de verre feuilleté mal netooyée par des essuie-glaces usagés. En revenant de vacances, sous le somptueux auvent de métal perforé de l’aire d’autoroute de Taponas dessinée pr l’agence ACI SECC, je me fis la réflexion que son architecte valait bien, par son désir de paraître, le désir de disparition du Louvre-Lens par Sanaa, ses architectes. Dans la première, la joie, quelque chose de chic, certes d’un peu clinquant, mais de présent à son usage, dans l’autre la croyance que pour ne pas effrayer le visiteur, l’architecture devrait disparaître derrière les œuvres. Pourtant, la cafétéria du Louvre-Lens a tous les atours d’une cafétéria d’autoroute. Est-ce grave ?

Qui se souvient de Jacques Borel, celui-là même qui influença le truculent patron de Tricatel dans le film L’Aile ou la cuisse de Claude Zidi avait, pour ses restaurants autoroutiers, tenté de faire de vrais beaux évènements, un peu comme ceux, italiens, d’Autogrill Pavesi, précurseurs dans ce domaine ? Les éditeurs et photographes de cartes postales auront permis d’enregistrer cette modernité heureuse en conservant à la fois l’image, l’usage et le désir de la partager. Il est clair que l’autoroute fut un chantier délicat d’expériences. Il fallait inventer à la fois des lieux mais aussi des signes, trouver ‘alliance entre passage rapide et pause utile, faire de la route un temps mais aussi un espace. Si les architectes des Trente Glorieuses ont eu l’opportunité d’un chantier vaste, ils avaient aussi une époque encline à goûter la radicalité moderne. Un peu raillée, délaissée, cette modernité s’est endormie. Aujourd’hui, on se réjouit que les Sociétés d’Autoroutes retrouvent le chemin d’une architecture assumée et souvent belle. Alors, il est grand temps avec Tom Phillips d’affirmer que ces cartes postales sont bien gripping et non boring  comme le laisse croire Martin Parr. Sans doute aussi que Robert Maitland, le héros de J.G. Ballard, s’il avait eu son accident en France, aurait trouvé sur son île de béton le gîte et le couvert.