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FAUT-IL MASQUER LE MASCARA - Photo : Zerozoro

FAUT-IL MASQUER LE MASCARA ?

Par MAÏTÉ TURONNET

Le sujet brûlant qui enflamme le monde de la beauté depuis deux millénaires et demi plus cinq mois. Le maquillage serait-il de mauvais goût ?


C’est Platon, sorte d’inventeur du puritanisme avant l’heure qui, parlant du maquillage, pose, il y a à peu près 2400 ans, le standard selon lequel il s’agit d’une “activité perverse, trompeuse, vulgaire et servile, qui leurre par les allures qu’elle donne”. Tout en produisant un magnifique sophisme lorsqu’il ajoute qu’en rapprochant l’étymologie commune des mots kosmos et kosmētikos, il peut également devenir “un art qui concerne la perfection universelle, tant qu’il se cantonne à sublimer l’harmonie sans la transformer”. À sa suite, tous les philosophes possibles et tous les cultes religieux, de Thomas d’Aquin à Emmanuel Kant en passant par Grégoire IX “l’inquisiteur” ou le mollah Omar qu’on ne présente plus, jusqu’au récemment défunt Jean Baudrillard pour qui il représentait un paroxysme de la “société de consommation” et de dépersonnalisation des individus, ont entonné le même refrain : seule la pureté est belle et la nature telle qu’en elle-même il faudrait préserver.

Rejoignant cette mortification qui imprègne la civilisation gréco-judéo-chrétienne (pas chinoise, ni indienne, ni africaine), de plus en plus de femmes optent pour le “no make-up” ou au contraire pour le “statement make-up”. D’un côté, le féminisme adaptatif refusant que le visage nu d’une fille la rende moins désirable. De l’autre, le féminisme démonstratif, clamant que le maquillage est un outil d’affirmation de soi dont il faut faire usage sans modestie. D’où, ces jours-ci, cette grave controverse existentielle : le mascara. En porter, ou pas.

DU NEUF AVEC DU VIEUX

Si les Américaines disent et écrivent dans Vogue qu’on est aussi bien sans, alors que les Françaises de M, le magazine du Monde affirment exactement le contraire, c’est que la tendance commence à faire tourner bourrique. Et si nous, ici à Citizen, avons choisi d’aborder le sujet, c’est considérant, en notre incorruptible neutralité, que le bémol totalement absent du débat s’impose comme un minimum de savoir-vivre.

Selon le magazine US, le geste pratiqué par des milliards de femmes serait soudain devenu ringardissime. Voilà qui va leur faire plaisir. Mais suivre aveuglément certaines élucubrations de la mode et de l’industrie cosmétique (contraintes de se réinventer chaque semestre) ressemble à la soumission de ceux qui prennent toute parole d’autorité pour bulle papale. La mode, par définition, se démode. Et ce qui était un must-have hier tourne au périmé le lendemain. Voire à l’importable. Souvenez-vous des rimmels bleu ciel ou rose bonbon des années 2000. Plus cagole, tu entres dans le Guinness World Records. En même temps que ton crayon à lèvres marron et ton blush de sioux. On croyait la chose éteinte, rangée au musée des folies passagères. Mais voilà que non, que pas du tout et, obéissant au principe de l’éternel retour, les cils de couleur sont revenus dans la trend à l’automne et assez joliment d’ailleurs, en pointe de frange plutôt qu’en total look.

*Cet article est issu de notre numéro d’Hiver 2024-2025. Pour ne manquer aucun numéro, vous pouvez également vous abonner.*