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Spring Harvest, eau de toilette. Castile Soap, savon liquide. Les deux, THE BURREN PERFUMERY Crédit photo: Claudio Schiffer

Mœurs cosmétiques en Europe

Par MAÏTÉ TURONNET, Photos CLAUDIO SCHIFFER

Petite visite express de l’Union européenne selon les mœurs cosmétiques de chaque pays. Et la disponibilité ici des produits de là-bas.

IRLANDE

À défaut de Royaume-Uni, l’Irlande nous tend les bras. Verte contrée cousine de l’Écosse où les filles ont les cheveux roux, dansent dans la lande en buvant du whisky et ont quelques marques fétiches : Human + Kind, White Witch, John Frieda (anglais d’accord, mais bon…) ou The Burren Perfumery.

White Witch par exemple, si bien nommée. On sait les terres brûlées du Connemaraaaa encore bien empreintes de légendes celtiques, d’élixirs répertoriés dans les grimoires, et habitées de fées Morgane connaissant toutes les herbes secrètes. Ruth Ruane serait-elle l’une d’elles ? Les produits de sa marque sont exclusivement fabriqués à partir de fleurs sauvages, de plantes pas mieux domestiquées, de miel, d’avoine et d’algues récoltées dans les eaux froides de l’Atlantique. Ça sent le vent et le sel, l’océan et la tourbe et c’est impeccable.

Le Regenerating Skin Balm, une embrocation toute douce, protectrice et bienfaisante. À base d’huiles de bourrache, de millepertuis et d’églantier, avec du calendula et de la camomille. Pour les peaux qui en ont marre de tout. Distribués en France par Ecco-verde.fr (marketplace autrichienne, c’est ça aussi l’Europe).

John Frieda, on le connaît. Son intérêt porté à toutes les chevelures, des plus fines aux plus bouclées, des plus denses aux plus aériennes, et aux têtes blondes, brunes, chauves ou… rousses ! Ce qui ne manque pas d’interpeller toutes les Molly Malone, Maureen O’Hara et Sinéad O’Connor (quoique pas sûr, entre sa tête rasibus et son hijab d’islam). Bref.

La réputation du shampooing maison a franchi les frontières depuis un bail. On s’en met sur le crâne et même rincé, c’est un vrai casque de pointe ; anti-pollution, protège-couleur, hydratant, fût-ce sous la pluie, brillance inoxydable. Et un trésor pour les rouquines (Radiant Red rouge vif ou rouge profond), avec des extraits naturels de grenade et de prune. 

The Burren Perfumery est une maison de parfums familiale implantée depuis des décennies dans le comté de Clare (Contae an Chláir), face aux îles d’Aran. Plateau de calcaire, falaises à pic, océan déchaîné et une flore incroyable allant des variétés indigènes aux plantes alpines, méditerranéennes, voire arctiques. Toutes espèces que l’on retrouve dans les produits de cette entreprise plantée au milieu de nulle part, mais néanmoins très visitée, faisant des convaincus sur tous les continents. Lesquels y accèdent sur l’onglet de vente en ligne du site burrenperfumery.com.

Parce que vraiment délicieuse : l’eau de toilette Spring Harvest (et son savon liquide, Castile Soap) porte en elle tous les arômes du printemps explosif qui jaillit ici chaque mi-avril : menthe, mélisse, graines de fenouil, reine des prés. Plus des mousses endémiques bénéfiques à la pérennité du plaisir.

GRÈCE

Ces gens-là se badigeonnaient déjà d’huiles parfumées quand nous étions encore en dreads sales et peaux de bêtes jamais lavées non plus. Autant dire que l’Europe du Nord n’a vraiment rien à apprendre aux Grecs. Ni même à l’Australie où l’un de ses fils expatriés, Dennis Paphitis, a créé Aesop, l’une des marques à base de persil les plus désirables au monde. Un peu de culture au passage : le mot “cosmétique” vient du grec kosmeticos, “relatif à la parure”. 

Connaissez-vous Apivita ? Inaugurée en 1972, la maison est désormais propriété du groupe catalan Puig. Ses produits à base de miel, propolis, gelée royale et autres délices qui faisaient l’hydromel des Dieux sont désormais distribués partout en France et en pharmacie.

Un coup de mou ? Une petite cure de Bee Radiant, Gel-Crème Antiâge et Antifatigue, et hop ça repart ! Dedans, il y a de la pivoine blanche et des extraits de propolis brevetés. Ça sent bon. Ça fait un bien fou. Repulpant, antioxydant, protecteur et lissant : un cadeau d’Aphrodite aux pauvres mortels pas si à plaindre puisqu’ici-bas, ils et elles y ont accès dans d’innombrables pharmacies françaises.

Toutefois, c’est une enseigne non européenne, de naissance anglaise mais naturalisée brésilienne, la célèbre Body Shop, qui atteint le mieux les Athéniens et les Athéniennes. Et les Crétois-es. Devenue une sorte de marque universelle, elle est pareillement plébiscitée en Finlande, Lituanie, Bulgarie et Andorre (hors UE, oui, je sais). Pourquoi cet engouement auprès de peuplades aussi différentes ? Sans doute la gaieté, la qualité et l’accessibilité de la marque (prix plutôt bas mais grande vigilance sur les questions de bioéthique)…

Le Gel Apaisant Multi usage visage & corps à l’aloe vera. En mettant en avant à plus de 90 % l’ingrédient le plus demandé au monde – d’après une étude de Skincarehero.com –, la Shop s’assure la fidélité de celles dont la peau se plaint tout le temps. Rafraîchissante, ultra légère, voire éthérée, cette gelée apaise même celles à ne pas toucher avec des pincettes. Peut faire office de masque nocturne.

Reste la belle Korres, trônant sur l’Olympe des femmes grecques. Tout y est désirable : soins, parfums (Safran iris !), emballages. Les ingrédients, comme dans chaque contrée fière de son histoire, sont les mêmes que les Anciens employaient il y a trois mille ans : miel, sel marin, argile, yaourt de brebis, figue, huile et pâte d’olive.

Comment résister au Gel douche Olive & Sel de Mer ? Surdosée en “or liquide”, comme l’appelait Homère, sa mousse dissout saleté et sueur mais préserve les acides gras indispensables à la souplesse cutanée. L’huile vient de Crète, les feuilles d’arbres plantés sur le continent, le sel et l’arôme de la mer Égée.

ALLEMAGNE

On les imagine grandes, sveltes et blondes (alors qu’elles existent aussi en petites, boulottes et brunes), soucieuses d’hygiène et de pratique sportive, adeptes de l’avant-garde et de rigueur morale ou bien déjantées post-punk. Quelque part entre Claudia Schiffer et Nina Hagen. Il y a de ça, mais ce qui, surtout, définit les consommatrices teutonnes, c’est leur goût immodéré pour le bio, le propre, l’ultra sain. Avec Weleda, Barbara Sturm, Dr Hauschka, sans oublier l’Eau de Cologne ou Nivea, ce n’est pas demain qu’elles vont s’empoisonner.

À l’origine même du mouvement de la cosmétique naturelle, Weleda est née dans les années 20 du siècle dernier par la vision de l’Autrichien occultiste Rudolf Steiner (qui conçut aussi les préceptes de la biodynamie). Son credo : “tenir compte des correspondances profondes entre l’être humain et la nature”. Depuis, elle traverse le temps sans que l’âge la détériore. 

Skin Food date de 1926 et s’appelait alors “Crème aux Plantes Médicinales”. Aujourd’hui développée en plusieurs versions, on dit Skin Food Soin Nourrissant Texture Légère ; ou Baume Corps ; ou Soin Réparateur. Mais la recette certifiée bio est inchangée, à base de pensée sauvage, de camomille et de calendula. Hydratante, adoucissante, anti dessèchement, elle contient aussi du karité et de la cire d’abeille.

Côté incunables, les Allemandes s’enorgueillissent du cosmétique le plus vendu au monde, la célébrissime Nivea, datée de 1911. Lancée à la convoitise de nos aïeules, la Crème doit son existence à la découverte de l’eucerit, un émulsifiant permettant de stabiliser l’huile dans l’eau. Et sa survie à l’exil volontaire de son patron Willy Jacobsohn avant la guerre quand son produit était surnommé “la crème des juifs” par les nazis. Sous l’autorité du groupe Beiersdorf, la marque à la boîte bleue a, dès 1945, récupéré son autre identifiant : “la mère de toutes les crèmes”.

S’il fallait n’en retenir qu’un, au-delà de l’original, nous choisissons arbitrairement notre préféré à nous : le Lait Corps sous la douche. Pour les velléitaires paresseuses, on ne voit pas plus sympa. Une larme dans une éponge tout partout sur soi pendant que l’eau coule, puis séchage normal. Promis, on est hydratée pour 24 heures, ça ne colle pas, ça sent l’amande amère, ce qui est fort plaisant, et c’est saturé de paraffine, de lanoline et de glycérine. Wilhelmine est contente.

Ne perdons pas de vue que les individus outre-Rhin sont, dans l’ensemble, des gens sérieux. Et, quand ils s’y mettent, des scientifiques fortiches. La docteure Barbara Sturm présente donc toutes les garanties, même si elle a commencé dans la vie en étant… orthopédiste. Reconvertie dans l’activité plus lucrative de la médecine esthétique pour people hollywoodiens, elle a construit une marque chic, fiable et, évidemment, coûteuse. Les contenants sont blanc clinique, les formules pleines de molécules aux noms latins mais aussi naturels, innovants et efficaces. Frau Sturm, sosie de Læticia Hallyday, fait quinze ans de moins que ses quarante-cinq printemps.

C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures crèmes : en allant chercher dans le pourpier de nos grand-mères la base de son efficacité et en le mariant à l’acide hyaluronique, la Super Anti-Aging Face Cream renforce la peau, la défend contre les radicaux libres et restaure l’éclat du teint. Le tout évidemment vegan puisque les Allemandes n’aiment pas faire de mal aux animaux.

ITALIE

Sophia Loren. Laura Antonelli. Gina Lollobrigida. Claudia Cardinale. Monica Bellucci. Valeria Golino. Les stars italiennes connues ne sont pas des poulettes de l’année. Mais elles ont été – et parfois sont encore – sublimement belles, réunissant tous les clichés sur leur genre : brunes, pulpeuses, solaires, over sexy avec des décolletés partout, des jambes et des fessiers moulés au tour, des tailles de guêpe invraisemblables. C’est peu dire qu’elles savent s’entretenir et qu’elles sont inspirantes pour le cercle de la création mode/beauté transalpine, laquelle fabriquerait, selon diverses sources, plus de 60 % des produits de maquillage vendus dans le monde. Il suffit de se pencher.

De la parfumerie pharmaceutique Santa Maria Novella, on sait qu’elle a été créée au XIIIe siècle à Florence dans le couvent des frères dominicains et qu’elle s’est ouverte au public en 1612. On y trouve des choses très vieilles telle l’Eau de la Reine, créée pour Catherine de Médicis en 1533, mais aussi d’autres plus récentes, même si elles n’en ont pas l’air.

Le talc alborina est notre exemple favori et, à notre idée, le plus 100 % moderne. Pas de pschitt, pas d’alcool, pas de date limite de consommation, parfaitement naturel (souvenez-vous comme vous aimiez ça bébé, en caresse sur le derrière). Issu d’un minéral purifié composé de silicium de magnésium, tout velouté, voire onctueux, il glisse sur la peau à laquelle il confère ces dites qualités, absorbe la transpiration et les excès de sébum. Et puis il sent bon.

Comme on l’a vu, à chaque époque ses stars. Pour les soins capillaires, depuis trente ans, un seul nom : Davines. Aventure familiale, réussite mondiale. On y trouve dans d’assez jolis et sobres contenants, des laques, des masques, des shampooings et après-shampooings bien sûr, des sérums, des pommades, des poudres, des mousses, des soins purifiants, nourrissants, calmants, énergisants, pour toutes les couleurs, avec ou sans rinçage, des baumes, des sprays, des scrubs, des gels et…des huiles. Dont la géniale OI Oil multifonctions qui fait des cheveux brillants comme en plein soleil, doux comme passés à la Soupline, idéalement lisses sous le peigne et enfin débarrassés de ces insupportables frisottis qui gâchent la vie de celles qui n’ont pas d’autres maux. De plus, elle réduit le temps de séchage.

Inutile de se le cacher, l’Italie est un peu l’anti-Allemagne. Et à la sobriété de Berlin, on peut être tenté, à Milan, d’opposer une exubérance un rien visible. Disons Dolce & Gabbana Beauty. Si vous cherchez la discrétion, ce qui n’est pas le genre ni des duettistes ni du goût ambiant, passez votre chemin. Si vous aimez les femmes modèle années 50, le bonheur est ici. Les poudriers paraissent extraits de quelque minaudière, les eyeliners sont habillés d’imprimés panthère et les fonds de teint ressemblent à de la chantilly au coulis d’abricot. 

Y a du bleu, y a du rouge et des pierres (presque) précieuses en forme de cœur et de soleil (“sacred heart”). Tout ça sur un seul manche de laque pour les lèvres ! Shinissimo, comme on l’appelle, existe en quatorze teintes parce que du Nord au Sud, les femmes blondes de Turin deviennent les filles ténébreuses de Sicile. Sinon, on a aussi The Only One Matte Lipstick, contraire du précédent en ce qu’il offre une matité parfaite pour une bouche encore plus imposante. Si on y tient, on peut customiser l’étui pour qu’il se voit de loin.