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© Martin Parr / Magnum Photos

Derrière les clichés iconiques, chapitre 1

Par Justine Sebbag

Des panneaux publicitaires aux photos dump sur Instagram, notre quotidien est saturé d’images. Témoignant d’une époque, bousculant les conventions, provoquant une émotion, certaines photographies sont cependant parvenues à s’imprégner dans nos esprits. Si bien que parfois, sans même pouvoir citer le nom de l’artiste, on reconnaît instantanément son univers, sa patte. C’est le cas des clichés iconiques que nous allons présenter dans cette série d’articles, afin de collecter au même endroit les images qui nous ont marqués et qui documentent le passé comme le présent. 

Pour ouvrir le bal, on commence avec un cliché issu de la série The Last Resort, photographiée entre 1983 et 1985 par Martin Parr. Dans la petite station balnéaire de New Brighton, près de Liverpool, à l’extrême sud de l’Angleterre, où des familles aux revenus modestes passent leurs vacances, Martin Parr s’essaie aux pellicules couleur. Là-bas, il capture des instants de vie à la fois intimes et banals : un couple qui déjeune en silence, des enfants qui pleurent, des familles qui prennent le soleil à même le béton. Derrière son objectif, le photographe britannique se positionne en observateur plutôt qu’en voyeur, donnant à voir ni plus ni moins les loisirs auxquels s’adonne la classe ouvrière. Sur la photo que nous avons choisie, une jeune femme se tient debout et regarde droit vers l’objectif, l’air renfrogné, une main sur le comptoir, l’autre sur la hanche. Derrière elle se tient une horde de jeunes gens désireux de manger un cône de glace turquoise au parfum énigmatique. Parmi les regards concentrés, une enfant semble avoir repéré le photographe, qu’elle observe avec curiosité. Créant une opposition avec la mine agacée de la serveuse, ces regards qui se côtoient sans se croiser apportent une touche d’ironie au cliché. 

The Last Resort signe les débuts d’un style que Martin Parr poursuivra tout au long de sa carrière. Il shoote au flash et privilégie les couleurs vives, appliquant le langage de la photographie publicitaire à une démarche documentaire. Critiquées lors de leur première diffusion, les images de la série sont jugées criardes et peu reluisantes pour la classe ouvrière. Martin Parr défend sa démarche. Critiquant l’appauvrissement des ménages dû à la politique de la Première ministre britannique de l’époque Margaret Thatcher, il documente les moments de détente de la classe populaire. Et s’ils font a priori moins rêver que ceux des catégories plus aisées, les passe-temps sont bien souvent les mêmes. L’accueil de The Last Resort pose question : est-on dérangé par l’esthétisation de la pauvreté ou parce qu’on nous montre ce que l’on ne veut pas voir ?