Avant de devenir la boisson préférée d’une jeune génération connectée en quête de dolce vita éternelle, l’Aperol Spritz s’est fait connaître par une communication traditionnelle mais pas conventionnelle pour autant. Plongée dans les archives publicitaires de la boisson orange qui fait sonner l’heure de l’apéro.
Au lendemain de la Première Guerre mondiale, les frères Luigi et Silvio Barbieri, héritiers de la fabrique de liqueur de leur père établie à Padoue, dans le nord de l’Italie, se lancent dans l’aventure Aperol. La boisson au goût doux-amer devient en quelques années l’une des plus populaires de la Botte, celle que les jeunes mondains dégustent à l’aperitivo.
Dans les années 1950, la célèbre recette de l’Aperol Spritz est mise au point : neuf centilitres de prosecco, six d’Aperol et, pour finir, un trait d’eau pétillante. À l’époque, l’émission Carosello diffusée sur la RAI 1 (Radiotelevisione italiana), la première chaîne de télévision publique en Italie, présente des sketchs humoristiques et des annonces publicitaires. Voulant surfer sur le succès de ce programme qui a bercé l’enfance de bon nombre d’Italiens, Aperol y diffuse son tout premier spot publicitaire, où l’acteur Tino Buazzelli se tape la tête et s’exclame “Ah! Aperol!”.
Bien implantée en Italie, la marque Aperol entend déployer son aura dans le monde entier à travers une communication de plus en plus créative. En 1988, elle fait appel à l’illustrateur italien Lorenzo Mattotti pour dessiner une affiche destinée à être offerte aux bars et restaurants distribuant la boisson orange. Doté d’une grande liberté, il s’inspire de ses illustrations de mode pour une publication italienne du groupe de presse Condé Nast. Parmi ses influences, on trouve la tradition des illustrateurs italiens du mouvement Novecento qui souhaitaient rompre avec les avant-gardes pour revenir à la pureté des formes et à une composition harmonieuse. L’affiche qu’il propose est une scène de vie plutôt banale, où un couple partage un verre d’Aperol. Sur un fond rouge grenat qui fait grimper la température, les silhouettes géométriques semblent être en mouvement, comme pour s’enlacer.
Mattotti prévient d’emblée : si ses références sont anciennes, il ne fait pas du rétro pour autant. Il s’inscrit plutôt dans la ligne graphique européenne de l’époque, qui se veut à la fois élégante et ironique. Cela lui permet d’expérimenter plusieurs styles, d’un expressionnisme très pictural à une illustration plus distanciée, voire sarcastique. La mode n’étant pas son « monde » à l’origine, il utilise l’ironie pour prendre du recul et aborder certains sujets de façon moins directe et plus glamour. En plus de la composition, ce qui intéresse l’illustrateur, notamment sur l’affiche Aperol est que « l’image a une puissance qui s’impose au regard du spectateur ».
En 2019, à l’occasion des 100 ans de la marque, qui est depuis passée dans le giron du groupe Campari, Aperol réutilise l’illustration de Mattotti pour une série de bouteilles vendues en édition limitée. Adaptée aux critères esthétiques actuels, l’affiche devient une étiquette aux couleurs pop. Preuve que trente ans après, Aperol continue de penser sa communication de manière artistique et qu’une bonne illustration est intemporelle.