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Annie Morris, installation view, courtesy of Château La Coste © Stéphane Aboudaram | WEARE CONTENT(S) 2022

Pigments in situ. Un été au Château La Coste avec Annie Morris et Idris Khan

Par Justine Sebbag

Des œuvres inédites du couple d’artistes britanniques Annie Morris et Idris Khan sont à découvrir tout l’été au Château La Coste, en Provence. Réalisées in situ, elles se déploient à travers deux expositions – co-curatées par Georgina Cohen, amie du couple et directrice de la galerie Gagosian – la première au pavillon d’Oscar Niemeyer, inauguré au mois d’avril, la seconde à la galerie de Richard Rogers, dernier bâtiment conçu par l’architecte. 

De l’art et des vignes 

Logé au cœur du terroir provençal entre le massif du Luberon et la ville d’Aix-en-Provence, le Château La Coste propose un savant mélange entre vin, art et architecture. Parmi les 200 hectares du domaine sis sur la commune du Puy-Sainte-Réparade, une trentaine d’œuvres d’art contemporain sont distillées en pleine nature de manière permanente, tandis que quatre galeries proposent des expositions temporaires. Artistes comme architectes sont invités sur le domaine afin de concevoir des œuvres in situ, destinées à y perdurer. Au milieu des vignes, on peut croiser la fameuse araignée de Louise Bourgeois, la chambre en chêne d’Andy Goldsworthy ou encore les portails introspectifs du sculpteur Tunga. En évolution permanente, le Château La Coste a récemment dévoilé de nouvelles installations, à l’instar du pavillon d’Oscar Niemeyer et de la galerie de Richard Rogers, où sont visibles les expositions d’Annie Morris et Idris Khan jusqu’au mois de septembre. 

Les joyeuses obsessions d’Annie Morris 

Pour sa première exposition en France, la Britannique Annie Morris se paie le luxe du pavillon d’Oscar Niemeyer, le dernier édifice réalisé par l’architecte brésilien. Tout en courbes, il offre aux visiteurs la possibilité d’observer la nature environnante à 360 degrés. La série de tours sphériques Stacks d’Annie Morris vient ainsi déranger le calme olympien des lieux, où les jeux de lumière créent une ambiance méditative et reposante. Faites à la main de plâtre et de sable, ces constructions colorées symbolisent le corps féminin et les formes de la grossesse. Avec leurs silhouettes trapues composées de globes à taille variable, les sculptures d’Annie Morris semblent faire un clin d’œil aux Nanas de Niki de Saint Phalle. Et si, à l’origine, ces œuvres sont le fruit d’une période de deuil suivant la perte d’un enfant, elles se sont transformées en “une joyeuse obsession” pour l’artiste. Une autre lubie d’Annie Morris est la couleur, dont les tons intenses et purs inondent le pavillon Niemeyer. Outre le bleu outremer, le vert émeraude et l’ocre, qui se retrouvent inéluctablement dans l’œuvre de l’artiste, des teintes plus douces comme le vert clair ou la lavande, qui lui ont été inspirées par ses déambulations dans la campagne provençale, s’invitent sur ses sphères. Cette exposition est aussi le moyen de mettre en exergue l’importance du dessin, de la peinture et de la broderie dans le travail d’Annie Morris. Alternant entre abstraction et figuration, Morris brouille les pistes, si bien qu’on ne sait pas si l’on se trouve devant un tableau ou une broderie, à moins de s’en approcher de très près. 

Sur le tempo d’Idris Khan

De même que pour Annie Morris, avec qui il est marié depuis 2009,   c’est la première fois qu’une exposition se concentre sur le travail d’Idris Khan en France. L’élégante simplicité de l’architecture de la galerie dessinée par Richard Rogers inspire à l’artiste un fil conducteur, celui du temps qui passe. Après avoir amassé des références de la littérature, la philosophie, l’art minimaliste, les partitions de musique et la religion, Idris Khan fait le choix des couleurs vives et de l’empilement de matières afin de servir une esthétique épurée. Une fois entré dans la galerie, difficile de ne pas être happé par la vue sur les collines provençales qui s’offre à nous à travers la baie vitrée. Sur le mur de droite, trois grandes toiles sont peintes en bleu, une teinte qu’affectionne tout particulièrement l’artiste, qui confère « un effet immédiat sur les émotions, un impact positif ou négatif sur ce que l’on voit ». Réfléchissant les murs bleutés du pavillon, les tableaux d’Idris Khan rappellent ceux de Mark Rothko dans leur composition monochrome. Lorsque l’on s’avance, on découvre la technique qui apporte du relief à ses œuvres. Grâce aux coups de tampons appliqués de manière improvisée – mais précise – sur la toile, l’artiste entend refléter ses émotions ainsi que le monde naturel. 

Château La Coste, 2750 route de La Cride, 13610 Le Puy-Sainte-Réparade. Tél. : 04 42 61 92 92.